Publié le 13 mars, 2020 | par @avscci
0Vivarium de Lorcan Finnegan
Pour son deuxième long métrage, le réalisateur irlandais Lorcan Finnegan propose un film conceptuel qui ne dévie jamais de sa ligne, entre malaise et observation sociale acérée. Un jeune couple, Gemma et Tom, est à la recherche d’une maison à acheter. Mais après avoir visité un nouveau lotissement en dehors de la ville, sur l’insistance d’un agent immobilier particulièrement bizarre, ils s’aperçoivent qu’ils sont tout simplement incapables d’en repartir. De la même manière, le récit ne quittera quasiment plus ce huis-clos oppressant pensé comme un hymne à l’uniformisation (toutes les maisons, tous les jardins et même toutes les rues sont absolument identiques) et à l’injonction dictatoriale au bonheur. Un bonheur figé, stéréotypé, basé sur la possession matérielle et la cellule familiale, auquel il est impossible, voire interdit, de déroger. Le couple-cobaye essaye ainsi différentes stratégies pour faire face à l’absurdité de la situation et, comme lors d’un deuil, passe par toutes les étapes allant du déni à l’acceptation. Le film ausculte alors avec un regard clinique son cheminement et notamment la manière dont chacun tente de se raccrocher à la moindre parcelle d’espoir, aussi folle qu’elle puisse être. La mise en scène ultra précise et détachée aide le récit à garder sa ligne à la fois anxiogène et glaçante, sans jamais céder à la tentation d’apporter des réponses. C’est peut-être cet aspect volontairement hermétique qui donne le sentiment que Vivarium ne va pas aussi loin qu’il aurait pu dans son portrait au vitriol de nos sociétés obsédées par le mimétisme et la perfection. Malgré tout, cet enfer aseptisé (et ironiquement domestique) nous renvoie brillamment aux pires travers de notre époque, si intériorisés qu’ils rendent presque familier ce cauchemar grinçant et sardonique.
Marie-Pauline Mollaret
Film irlandais de Lorcan Finnegan (2019), avec Jesse Eisenberg, Imogen Poots, Jonathan Aris. 1h38.