Publié le 11 mai, 2017 | par @avscci
0Une famille heureuse de Nana Ekvtimishvili
Héritière d’une URSS où la crise du logement avait entraîné le phénomène de ces logements communautaires, à l’image de celui de Greta Garbo dans Ninotchka (1939) d’Ernst Lubitsch, en Géorgie, la famille reste une cellule à géométrie variable qui englobe le plus souvent trois générations : les grands-parents, les parents et les enfants. Tel est le cas dans l’appartement de Manana et Soso. Alors quand cette enseignante mariée depuis un quart de siècle entreprend de rompre avec sa tribu envahissante pour partir s’installer seule, c’est l’ensemble de cette “famille heureuse” qui en subit les effets secondaires. Parce que sa décision n’est pas motivée par l’existence d’un autre homme, une dispute ou une rupture, mais simplement par un phénomène d’usure et surtout l’envie de prendre ses distances avec cette communauté envahissante dans laquelle elle baigne depuis toujours, même si les membres qui la composent se sont renouvelés au fil du temps. Un besoin d’indépendance qui nourrit d’une infinité de nuances subtiles une tranche de vie délicate qui tourne autour de la notion même d’individualité et implique par extension celle de liberté. Ce film coréalisé par les auteurs du déjà remarqué Eka & Natia, chronique d’une jeunesse géorgienne, sorti il y a quatre ans, est littéralement porté par son actrice principale, Ia Shugliashvili, qui s’impose dans un mélange étudié d’autorité et de discrétion. Derrière son titre narquois, Une famille heureuse distille un message politique courageux.
Jean-Philippe Guerand
Chemi Bednieri Ojakhi. Film géorgien de Nana Ekvtimishvili et Simon Gross (2017), avec Ia Shugliashvili, Merab Ninidze, Berta Khapava. 1h 59.
Critique en partenariat avec l’ESRA.