Un parfait inconnu de James Mangold

Le nouveau film de James Mangold débute au même moment qu’Inside Llewyn Davis (2013) des frères Coen : dans le New York de 1961 où débarque un jeune homme, sa guitare en bandoulière. Ce garçon timide et ombrageux qui se présente sous le nom de Bob Dylan se rend directement à l’hôpital où est interné son idole, le chanteur Woody Guthrie au chevet duquel il rencontre un autre pionnier de la musique folk, Pete Seeger. Chaperonné par ce dernier qui a immédiatement détecté en lui un compositeur exceptionnel, il se produit dans les clubs de Greenwich Village et bâtit peu à peu sa propre légende, en osmose avec Joan Baez, mais a quelques difficultés à assumer la rançon du succès. Un parfait inconnu se concentre sur les débuts de Bob Dylan en décrivant avec soin l’Amérique paranoïaque de la Guerre Froide dont les bardes opposent à la virtuosité des groupes anglais et à l’hégémonie du rock’n’roll des textes engagés qui parent de poésie leur militantisme. Le scénariste de Jay Cocks, régulièrement associé à Martin Scorsese, trouve un équilibre parfait qui met en miroir le chanteur avec son époque. Jusqu’à ce moment critique où il électrifie sa guitare, au risque de passer pour un traître parmi les adeptes du festival de Newport. Timothée Chalamet endosse avec une certaine grâce la personnalité complexe de Bob Dylan par son mélange abrasif de charme et de mauvaise humeur. Vingt ans après Walk the Line, James Mangold ressuscite par ailleurs Johnny Cash, dont il confie cette fois le rôle à l’excellent Boyd Holbrook. Il n’y a donc que de bonnes raisons de découvrir ce biopic bourré de panache.

Jean-Philippe Guerand

A Complete Unknown. Film américain de James Mangold (2024), avec Timothée Chalamet, Edward Norton, Elle Fanning, Monica Barbaro 2h20.