Publié le 6 janvier, 2025 | par @avscci
0Un ours dans le Jura de Franck Dubosc
Le cinéphile un peu exigeant n’a eu pendant des années que peu d’occasions de se pâmer devant le travail de Franck Dubosc devant la caméra compte tenu de ses choix artistiques. Quand notre homme s’est piqué de réalisation, le susnommé cinéphile ne pouvait que se montrer circonspect. Mais l’interprète de Patrick Chirac (dans Camping) était loin d’être maladroit. Ses deux premiers films, Tout le monde debout et Rumba la vie ne manquaient pas de charme, et une évidente tendresse (qui n’avait rien de mièvre) venait se mêler à la comédie… Avec Un ours dans le Jura, force est de constater qu’il a franchi un cap… On sait qu’il n’y a pas d’ours dans le Jura (ce que les personnages proclament avant d’être placés au pied du mur des réalités), contrairement aux Pyrénées (comme l’attestent les frères Larrieu dans un de leurs films, où le plantigrade développe une surprenante libido). C’est pourtant par l’apparition de l’animal que démarre le film. Qui va ensuite nous entraîner tambour battant dans une abracabrantesque histoire policière à base d’autochtones point insensibles à l’argent, de migrants tamouls, de narcotrafiquants mexicains et de gendarmes un rien dépassés. On l’aura compris, notre cinéphile ne pourra que se régaler, avec le sentiment de voir un film ayant réussi la synthèse entre le thriller le plus noir (mais teinté d’humour) des frères Coen (Fargo bien sûr) ou de Sam Raimi (Un plan simple) et le cinéma de Georges Lautner. Qui n’a pas fait que Les Tontons flingueurs… Quelques messieurs trop tranquilles mettait déjà en scène quelques ruraux peu habitués à sortir de leur routine et une bande de gangsters venus de loin (avec un groupe de néoruraux hippisants entre les deux). Il va de soi que la morale ne pouvait pas ne pas rester à nos sympathiques autochtones. C’est également ce qui arrive ici. Mais le film de Dubosc est plus malin que celui de Lautner, toutes les contradictions de ses personnages étant mises en valeur avec un sens de la dérision somme toute délicieux. Nous oscillons en permanence entre la franche comédie et la tension policière. Au point que nous ne sommes jamais certains du sort que le film réserve à ses personnages. Personnages également dessinés avec soin, qui nous désarçonnent avant de nous faire sourire. Il nous arrive de ce fait, le froid et la neige aidant, à penser à l’excellent Poupoupidou et à son dérivé, la série Polar Park, tous deux de Gérald Hustache-Mathieu. Qui se déroulent quant à eux dans le Doubs ! Il n’en faut pas plus pour conclure que l’année 2025 démarre sur les chapeaux de roues. Et c’est d’autant plus jouissif que c’est pour le moins inattendu !
Yves Alion
Film français de Franck Dubosc (2024), avec Franck Dubosc, Benoit Poelvoorde, Laure Calamy, Joséphine de Meaux. 1h53.