Publié le 5 novembre, 2024 | par @avscci
0The Substance de Coralie Fargeat
Coralie Fargeat, après deux courts métrages remarqués, Le Télégramme et Reality+, avait sorti son premier long en 2017, Revenge. Elle y faisait déjà couler suffisamment de sang pour en asperger le public, ravi. Le soleil brillait dans les flingues. Elle y déshabillait méthodiquement sa poupée furieuse, exaltait sa vengeance impitoyable de Wonder woman déchaînée. Cette violence très codée renvoyait à une colère réelle, une envie de vengeance et une rage de survivante qui n’était pas que dans le titre. Objets contondants, cautérisations sans chloroforme, bouts de verre dans les doigts de pied, body buildés entourés de cactus. Avec The Substance, elle garde sa furia, son absence de limites, son esthétique délirante et au fond très méticuleuse. Mais elle monte nettement en puissance. Production nettement plus ambitieuse, trois stars américaines au générique, sélection officielle cannoise et Prix du scénario en mai 2024, Fargeat change aussi dans son propos. Un sérum mystérieux permet à une ex-étoile hollywoodienne quinquagénaire et plus de se dédoubler en babe sexy, influenceuse ridicule à force de conformité mondiale-médiatique. Derrière cette science-fiction de Prisunic, vigoureusement assumée par la cinéaste, qui n’a aucune limite dans le gore, le clinquant, le plein la vue et les acrobaties visuelles, se cache à peine un discours percutant sur la beauté, le temps qui dégringole, le XXIè siècle devenu débile, la vieillesse et la mort, la jalousie et l’amertume. A condition de ne pas craindre l’hémoglobine (et de l’aimer un peu finalement) on verra (plusieurs fois ?) avec profit les 141 minutes de ce Dorian Gray cronenbergien, ce Jekyll and Hyde Georgemillerien, ce Faust forgeatien.
René Marx
Film franco-anglo-américain de Coralie Fargeat (2024), avec Demi Moore, Margaret Qualley, Dennis Quaid. 2h21.