Six pieds sur terre de Karim Bensalah

Sous le coup d’une mesure d’expulsion, le fils d’un ex-diplomate algérien ne dispose que de quelques jours pour décrocher le contrat de travail susceptible d’enrayer cette procédure administrative. Il aboutit ainsi en désespoir de cause dans une entreprise de pompes funèbres musulmanes où il est affecté en tandem avec un vieil employé imprévisible sous un fragile statu quo qui leur permette de travailler en bonne intelligence. Karim Bensalah signe un premier film d’apprentissage séduisant sur le délicat passage à l’âge adulte d’un jeune homme contraint de prendre ses responsabilités. Formidable portrait dont s’empare Hamza Meziani dans le rôle de cet éternel gamin qui resasse une certaine rancœur contre sa famille et se retrouve au contact quotidien de la mort, au moment même où la rage de vivre devrait tout emporter sur son passage. Le film est à l’image de son titre ironique qui détourne celui de la célèbre série télévisée d’Alan Ball Six Feet Under : une comédie pince-sans-rire qui brasse des thèmes très sérieux avec une fausse insouciance. Rebelle sans autre véritable cause que de s’en sortir, son anti-héros évoque un autre personnage de cinéma croisé il y a quelques mois : Le Dernier des Juifs incarné par Michael Zindel qui fait d’Hamza Meziani sa déclinaison musulmane. Au fil des enterrements et des cérémonies mortuaires, le film exploite les ressources de la comédie dramatique pour délivrer quelques vérités bien senties sur la condition humaine à travers un personnage moins impénétrable qu’il ne pourrait y paraître de prime abord. Sans amertume ni leçon de morale.

Jean-Philippe Guerand

Film français de Karim Bensalah (2023), avec Hamza Meziani, Kader Affak, Souad Arsane. 1h36.