Publié le 11 mai, 2017 | par @avscci
0Sayonara de Kôji Fukada
Après l’apocalypse : au Japon, des accidents nucléaires en chaîne forcent la population à s’exiler. Une jeune fille d’origine sud-africaine attend son départ, mais, étrangère, elle n’est pas prioritaire pour l’administration aveugle qui gère la fin du monde. De toute façon, elle est atteinte d’un mal incurable. Allongée la plupart du temps sur un sofa, près d’une fenêtre, elle contemple la campagne qui paraît continuer à vivre, sans changement, vidée de ses habitants. Sa confidente de toujours est une androïde et c’est un robot qui « l’interprète », Geminoïd F. L’androïde survivra à toutes les catastrophes. Ce robot extraordinaire (le spectateur se demande au départ si ce n’est pas une comédienne grimée) dit sur commande les poèmes qui confortent la jeune fille dans son malheur. En français (Rimbaud), en anglais, en japonais. La mort très lente, les amours vécues trop vite, les fleurs de bambou qui ne surgissent qu’une fois tous les quatre-vingts ans, les humains encore dans les parages, les robots imperturbables qui nous regardent mourir : Fukada assume l’étrangeté de son modèle, une blonde botticellienne abandonnée dans la campagne japonaise, sa déréliction, ses bonheurs furtifs. Son agonie connectée. On a vu il y a peu Harmonium, où Fukada inventait le film d’horreur au ralenti. La destruction lente dans Harmonium était celle de l’harmonie familiale (d’où l’ironie du titre). Ici, avec la même lenteur, c’est la destruction de la vie même, la vie individuelle et la vie d’un pays. Le cinéaste, qui étudia à la Film School of Tokyo, où enseignait Kiyoshi Kurosawa, est né en 1980. Il est très actif dans la production indépendante de cinéma au Japon. Son univers est passionnant.
René Marx
Film japonais de Kôji Fukada (2015), avec Bryerly Long, Makiko Murata, Nijiro Murakami, Yuko Kibiki, Jérôme Kircher, Irène Jacob. 1h 52.
Critique en partenariat avec l’ESRA.