Prima la vita de Francesca Comencini
Dans les années quatre-vingt, une jeune Romaine de vingt ans, fille d’un cinéaste très célèbre, s’abîme dans l’addiction. Le jour des obsèques de son amoureux emporté par la drogue, le père entraîne sa fille à Paris. Il lui sauve la vie. Revenant aujourd’hui sur ces moments intenses, Francesca Comencini raconte son tête-à-tête avec Luigi Comencini en deux époques principales : le tournage des Aventures de Pinocchio où elle fut, à dix ans, une figurante enchantée, et quelques années plus tard les tourments d’une toxicomane rattrapée au vol par un grand artiste bienveillant et secourable. Le cinéma, c’est ici la mémoire en mouvement. La réalisatrice a mis quarante ans pour oser représenter à l’écran sa relation unique avec un père célèbre, modeste, aimant et intransigeant à la fois. Elle avait évoqué sa toxicomanie dès son premier film en 1984, Pianoforte, mais le père de la protagoniste n’apparaissait pas à l’écran. Et l’autobiographie, comme la place des pères, traverse toute sa filmographie. Autobiographie dont se méfiait grandement Luigi Comencini, comme ses contemporains et complices Monicelli et Risi, et contre laquelle il s’était maintes fois exprimé devant elle. Aujourd’hui donc la cinéaste affronte ce sujet qu’elle a toujours évoqué indirectement et c’est une grande réussite, cinématographiquement, émotionnellement, historiquement même. Le récit est très concentré, les sœurs de Francesca, la cinéaste Cristina, la décoratrice du film Paola et Eleonora n’apparaissent pas dans la fiction. Le huis-clos entre le père et la fille, entre l’enfance et l’adolescence, entre Rome et Paris, devient un concentré de sentiments puissants, de méditation sur l’art et la transmission. Fabrizio Gifuni est un Comencini intense, les deux actrices qui jouent Francesca petite fille et jeune femme ont la même force. Et le producteur du film, gage supplémentaire de profondeur et de qualité, s’appelle Marco Bellocchio.
René Marx
Il tempo che ci vuole. Film italien de Francesca Comencini (2024), avec Fabrizio Gifuni, Romana Maggiora Vergano, Anna Mangiocavallo. 1h50.