Publié le 14 décembre, 2021 | par @avscci
0Numéro 687 – Les Invasions barbares de Denys Arcand
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Dossier Les Invasions barbares de Denys Arcand
Les Fondateurs du cinéma québécois
Ont été retenus pour ce petit dictionnaire des fondateurs de la cinématographie québécoise, les auteurs de documentaires et de fiction destinés au grand écran. Ont délibérément été ignorés les artisans du cinéma d’animation qui constituent un monde à part et souvent étanche (même s’il y a parfois des passerelles, ainsi des dessins de Frédéric Back utilisés dans Champlain, le premier documentaire de Denys Arcand).
Denis Héroux, surtout connu comme producteur, a été intégré parce qu’il est souvent question de lui dans ce numéro. On remarquera que sur cette vingtaine de courtes biographies, une seule est consacrée à une femme. Dans les années 1960, le cinéma est encore et surtout une histoire d’hommes… Tous ces pionniers de l’art cinématographique sont aujourd’hui décédés ou à la retraite. Arcand est, avec le documentariste Fernand Dansereau, le seul encore en activité. Pour mieux connaître les cinéastes québécois des générations suivantes, on se reportera au dictionnaire publié dans le numéro 644 de L’Avant-Scène cinéma consacré à Curling, de Denis Côté (juin 2017).
PAR SYLVAIN GAREL
Michel Brault
Né le 25 juin 1928 à Montréal (Québec) et mort le 21 septembre 2013 à Toronto (Ontario).
Michel Brault commence à s’intéresser au cinéma au très chic collège Stanislas où cet originaire de Westmount (la ville la plus riche du Québec) fait la connaissance de Claude Jutra à l’âge dix ans. Ensemble, à la fin des années 1940, ils réalisent deux courts métrages amateurs. Ce chef opérateur devenu réalisateur s’affirme très tôt comme un des principaux artisans de ce que l’on appela à l’origine le Cinéma vérité puis rapidement le Cinéma direct. Au Québec bien sûr, puisque Michel Brault coréalise avec Gilles Groulx en 1958 à l’Office National du Film, Les Raquetteurs, un court métrage considéré comme le premier jalon de cette école documentaire qui fut une véritable révolution esthétique, technique mais aussi politique. Mais également en Europe, puisque Brault y exerce ses talents aux côtés de cinéastes aussi importants que Jean Rouch, William Klein ou l’Italien Mario Ruspoli. Rouch déclara en 1960 au sujet de Brault qu’il « est le meilleur opérateur du monde, il a inventé la caméra qui marche ». Le plus souvent, avec d’autres membres éminents de l’équipe française de l’Office, il réalise quelques-uns des documentaires emblématiques de cette période : La Lutte (1961), Québec USA ou l’Invasion pacifique (1962), Les Enfants du silence (1963). Son long métrage, Pour la suite du monde qu’il signe avec Pierre Perrault, est le premier film québécois sélectionné officiellement au Festival du Cannes. Ce documentaire tourné sur la septentrionale Isle-aux-Coudres, reconstitue une traditionnelle pêche aux marsouins. Remarqué par quelques critiques de cinéma lors de sa présentation sur la Croisette, Pour la suite du monde fait découvrir cette cinématographie naissante, alors inconnue. Brault et Perrault poursuivent leur collaboration et signent ensemble plusieurs documentaires : Le Beau Plaisir (1968), L’Acadie, l’Acadie ?!? (1971). Entre-temps, comme nombre de ses confrères documentaristes (à l’exception notable de Perrault), Brault est attiré par la fiction. Il tourne un court métrage Geneviève (1965) puis un long, Entre la mer et l’eau douce (1967), qui tous les deux mettent en vedette et révèlent Geneviève Bujold, débutant ainsi une carrière qui devient rapidement internationale. C’est en 1974 que Brault réalise son œuvre la plus célèbre : Les Ordres. Quatre ans après les événements d’Octobre 1970 (l’enlèvement de deux personnalités par le Front de Libération du Québec), il s’intéresse au sort des quelque 500 personnes qui furent arbitrairement arrêtées et détenues sans motifs suite aux actions du FLQ. En bon documentariste, il interroge 50 des victimes de ce déni de démocratie et à partir de là fabrique cinq personnages de fiction. Tournée en noir et blanc et en couleurs, Les Ordres est en compétition au Festival de Cannes 1975 où il obtient le Prix de la mise une scène, une première pour le cinéma québécois. Tout en continuant son travail de chef opérateur avec de nombreux documentaristes, Brault signe encore quelques longs métrages notables comme Les Noces de papier (1989) sur l’immigration ou Quand je serai parti… vous vivrez encore (1999) sur la révolte de Patriotes de 1837. L’échec de ce dernier film met fin à sa carrière. Il décède d’une crise cardiaque en 2013 lors d’un séjour à Toronto. ■
Longs-métrages
1963 Pour la suite du monde
1967 Entre la mer et l’eau douce
1971 L’Acadie, l’Acadie ?!?
1974 Les Ordres
1989 Les Noces de papier
1994 Mon ami Max
1999 Quand je serai parti… vous vivrez encore
Gilles Carle
Né le 31 juillet 1928 à Maniwaki (Québec) et mort le 28 novembre 2009 à Granby (Québec).
Après des études aux Beaux-Arts, Gilles Carle est tout d’abord attiré par la critique (il écrit pour le quotidien Le Devoir sur le cinéma, les livres, la télévision), puis par la littérature (il fonde en 1953 avec le poète québécois Gaston Miron et le cinéaste Louis Portugais Les Éditions de l‘Hexagone) et aussi par le graphisme (qu’il exerce à Radio-Canada dans la seconde moitié des années 1950). Carle rejoint l’ONF au tout début des années 1960 comme scénariste puis comme réalisateur. Il tourne plusieurs courts métrages documentaires : Dimanche d’Amérique (1961), Manger qu’il coréalise avec son ami Louis Portugais (1961), Patinoire !1962), Natation (1963), Patte mouillée (1963) et Percée on the Rocks (1964) qui est primé au Festival du cinéma canadien. De plus en plus attiré par la fiction, il réalise la même année un premier court métrage : Solange dans nos campagnes. Mais c’est en 1965 que cet artiste touche-à-tout s’impose comme un cinéaste de premier plan. Il détourne un projet de court métrage documentaire sur l’hiver pour en faire son premier long de fiction : La Vie heureuse de Léopold Z. Avec beaucoup d’humour, il dresse le portrait d’un Québécois moyen en pleine Révolution tranquille. Le film remporte le Grand prix du Festival du cinéma canadien, sort en salle où il attire plusieurs dizaines de milliers de spectateurs. Ce succès lui donne des ailes et notre cinéaste quitte l’Office pour rejoindre le secteur privé naissant. Il y réalise quelques émissions de télévision et des publicités avant de signer un nouveau long métrage de fiction : Le Viol d’une jeune fille douce (1968) qui, comme le précédent, est réalisé clandestinement, mais cette fois dans les studios d’une société privée. Le début de la décennie 1970 est celle de Gilles Carle. Non seulement les fictions qu’il réalise à un rythme soutenu suscitent l’engouement au Québec, mais sont les premières à s’exporter en France : Red (1970), Les Mâles (1971), La Vraie Nature de Bernadette (1972), La Mort d’un bûcheron (1973), Les Corps célestes (1973), La Tête de Normande Sainte-Onge (1975), L’Ange et la femme (1977). La plupart de ces fictions sont produites par sa propre compagnie de production (Carle-Lamy) et ont pour point commun d’être centrées sur le désir des hommes envers les femmes et les scènes érotiques ne sont pas pour rien dans le succès de ces longs-métrages. Surtout que Carle a le don pour bien savoir choisir des actrices souvent débutantes. Que ce soit Louise Marleau dans Solange dans nos campagnes, Micheline Lanctôt dans La Vraie nature de Bernadette ou, surtout, Carole Laure qui devient sa compagne et qu’il met en vedette dans pas moins de six films. En 1980, changement de rythme et changement de style, il met en images Fantastica, une comédie musicale signée Lewis Furey, le nouveau compagnon de Laure. Le film fait l’ouverture du Festival de Cannes où il est diversement apprécié. Dans la décennie suivante, il adapte des œuvres littéraires célèbres et signe trois films en costumes : Les Plouffe (1981), Maria Chapdelaine (1983) et, en 1984, pour la télévision, la série Le Crime d’Ovide Plouffe (Carle réalise les quatre premiers épisodes, Denys Arcand les deux derniers et la version cinéma). Parallèlement, notre réalisateur revient au documentaire et signe un film sur les échecs (Jouer sa vie en 1982), un autre sur le 7e Art (Cinéma, cinéma, 1985), un troisième sur la peinture (Ô Picasso en 1985). En 1989, l’ONF lui demande de réaliser un court métrage hommage à l’occasion des 50 ans de la création de l’institution. Contre toute attente, ce film de deux minutes obtient la Palme d’or du meilleur court au Festival de Cannes en 1989. Les dernières fictions de ce cinéaste (La Guêpe, La Postière, Pudding chômeur) sont des échecs esthétiques et publics qui peuvent s’expliquer par une maladie de Parkinson qui se révèle au début des années 1990, bientôt doublée par la maladie d’Alzheimer. Sa dernière muse, l’actrice et chanteuse Chloé Sainte-Marie l’accompagne avec beaucoup de courage dans ce calvaire qui s’achève en 2009. ■
Longs-métrages de fiction
1965 La Vie heureuse de Léopold Z
1968 Le Viol d’une jeune fille douce
1969 Red
1970 Les Mâles
1972 La Vraie nature de Bernadette ASC n°130.
1973 La Mort d’un bûcheron
1973 Les Corps célestes
1975 La Tête de Normande St-Onge
1977 L’Ange et la femme
1980 Fantastica
1981 Les Plouffe
1983 Maria Chapdelaine
1986 La Guêpe
1991 La Postière
1996 Pudding chômeur
Marcel Carrière
Né le 16 avril 1935 à Bouchette (Québec).
Entré dès 1956 comme preneur de son à l’Office National du Film, Marcel Carrière participe derrière son micro à la plupart des premiers films importants de la cinématographie québécoise naissante. Que ce soient des documentaires (Les Raquetteurs, La Lutte, Pour la suite du monde…) ou des fictions (Seul ou avec d’autres, À tout prendre, Le Chat dans le sac…). Dans ces œuvres et des dizaines d’autres, Carrière expérimente et développe des techniques de prise de son qui révolutionnent le cinéma documentaire. Il passe à la réalisation au milieu des années 1960 et signe alors plusieurs courts métrages dont le plus connu est, en 1968, Avec tambours et trompettes, qui s’intéresse avec humour aux zouaves pontificaux. Deux ans plus tard, il passe partiellement à la fiction en tournant Saint-Denis dans le temps où se mélangent des images documentaires contemporaines et une reconstitution de la seule victoire des Patriotes de 1837 à Saint-Denis-sur-Richelieu. En 1974, Marcel Carrière signe Images de Chine, un documentaire produit par l’ONF à la gloire de Mao et du marxisme-léninisme, alors en vogue en Occident et tout particulièrement au Canada. S’ensuivent plusieurs documentaires sociaux tournés au Québec. Parallèlement, le cinéaste sort en 1973 son long métrage de fiction le plus connu : Ok… Laliberté qui se déroule dans un quartier populaire de Montréal et où la tragédie côtoie l’humour. Le succès de ce film lui permet d’en réaliser un second dans la même veine, Ti-Mine, Bernie pi la gang qui prend l’affiche en 1976 sans attirer autant de spectateurs. En 1978 et jusqu’en 1994, il devient l’un des principaux dirigeants de l’ONF. Une position exceptionnelle à l’époque pour un cinéaste francophone. Pendant sa retraite, il poursuit des activités cinématographiques en collaborant activement à la création de la Phonothèque québécoise et de l’INIS, la principale école de cinéma québécoise, installée au cœur du Montréal francophone, juste à côté de la Cinémathèque québécoise. ■
Principales réalisations
1968 Avec tambours et trompettes
1970 Saint-Denis dans le temps
1973 OK… Laliberté
1973 Chez nous c’est chez nous
1976 Ti-Mine, Bernie pi la gang
Fernand Dansereau
Né le 5 avril 1928 à Montréal (Québec).
Avant de devenir le doyen des cinéastes québécois encore en activité, ce désormais nonagénaire a commencé par être journaliste. Licencié du quotidien Le Devoir pour raisons syndicales, Fernand Dansereau rejoint l’ONF à Ottawa au milieu des années 1950, avant que l’organisme ne déménage à Montréal. Il y écrit et réalise plusieurs courts métrages documentaires ainsi que quelques fictions. Devenu producteur, il dirige de fait l’équipe française de l’ONF entre 1960 et 1964. À ce titre, il supervise quelques-uns des grands documentaires de cet âge d’or du cinéma québécois : Golden Gloves de Gilles Groulx, Québec-USA ou l’Invasion pacifique de Michel Brault et Claude Jutra, À Saint-Henri le 5 septembre d’Hubert Aquin, Bûcherons de la Manouane d’Arthur Lamothe, Pour la suite du monde de Pierre Perrault et Michel Brault, Champlain de Denys Arcand… En 1965, il retourne derrière la caméra pour y réaliser Le Festin des morts qui a pour personnages centraux des Jésuites venus au XVIe siècle en Nouvelle France. Il tourne ensuite un documentaire sur une petite ville qui donne son nom au film : Saint-Jérôme ; il y évoque les bouleversements que connaît sa population en cette période d’intense mutation. À l’issue de cette expérience à l’origine de pas moins de 27 courts métrages, Dansereau fonde avec Robert Forget et quelques cinéastes le Groupe de recherches sociales de l’ONF qui devient un peu plus tard le programme Société nouvelle. C’est dans ce cadre aussi social que cinématographique, qu’il réalise en 1969 Tout le temps, tout le temps, tout le temps… ? une fiction écrite par treize habitants des quartiers populaires de Montréal. Deux ans plus tard, il signe Faut aller parmi l’monde pour le savoir, documentaire engagé aux côtés de travailleurs en lutte ; le tournage est percuté par les événements d’Octobre 1970 pendant lesquels des membres du Front de Libération du Québec enlèvent deux personnalités. Par la suite, notre cinéaste collabore surtout à des projets télévisuels avec Iolande Cadrin Rossignol. En 1978, ensemble, ils travaillent sur un long métrage intitulé Thetford, au milieu de notre vie, élaboré collectivement par des comédiens amateurs. Dans les décennies 1980 et 1990, Dansereau se consacre essentiellement à l’écriture de séries télévisées dont certaines, comme Les Filles de Caleb réalisée par Jean Beaudin, connaissent un succès populaire. À l’âge où beaucoup prennent leur retraite, il revient à la réalisation au début du XXIè siècle et tourne Quelques raisons d’espérer dont le personnage central est son cousin, l’écologiste Pierre Dansereau. En 2006, il réalise La Brunante, une fiction sur la maladie d’Alzheimer avec la grande actrice Monique Mercure. À 84 ans, il se lance dans une trilogie documentaire consacrée à la vieillesse : Le Vieil Âge et le rire (2012), L’Érotisme et le vieil âge (2017) et Le Vieil Âge et l’espérance (2019). Dans son dernier film (à ce jour !), il réunit quatre autres grands noms du cinéma québécois : Denys Arcand, Jean Beaudin, Jean-Claude Labrecque et l’acteur Marcel Sabourin. Les trois derniers disparaissent quelques mois après la fin du tournage… ■
Principales réalisations
1965 Le Festin des morts
1967 Saint-Jérôme
1969 Tout le temps, tout le temps, tout le temps…?
1971 Faut aller parmi le monde pour le savoir
1978 Thetford au milieu de notre vie
2007 La Brunante
2019 Le Vieil âge et l’espérance
Georges Dufaux
Né en France à Lille le 17 mars 1927 et mort le 8 novembre 2008 à Saint-Maurice (Valais, Suisse).
Fils d’un photographe, Georges Dufaux fait des études cinématographiques dans son pays natal. Après un détour par le Brésil, il débarque à Montréal en 1956, l’année où l’Office National du Film déménage dans la métropole québécoise. Dufaux, qui a une petite expérience cinématographique française et brésilienne, rejoint l’Office comme assistant à la caméra. Il commence à travailler sur des productions télévisuelles avant de devenir un des principaux documentaristes de l’ONF où il fait presque toute sa carrière. Formé à l’école du cinéma direct, son nom figure dans près de 100 génériques de films. À la fin des années 1950 et au début des années 1960, en tant que caméraman, il collabore avec plusieurs cinéastes présents dans ce petit dictionnaire : Louis Portugais, Pierre Patry, Jacques Godbout, Michel Brault, Fernand Danserau et, plus tard, avec Anne-Claire Poirier. Ses premiers pas comme réalisateur à part entière, il les fait dans des documentaires consacrés à la santé ; d’abord un court métrage sur les enfants malades (Les Départs nécessaires, 1965) puis un long dont le titre ironique est tout un programme (À votre santé, 1974). Entre-temps, il coréalise sa seule fiction : C’est pas la faute à Jacques Cartier, une comédie légèrement loufoque qu’il signe avec Clément Perron en 1967. Dufaux se lance ensuite dans une série de documentaires consacrés aux personnes âgées (Au bout de mon âge, 1975, Les Jardins d’hiver, 1976) puis aux lycéens avec une série de huit films d’une heure baptisée Les Enfants des normes. Séduit par la Chine communiste comme bon nombre d’intellectuels canadiens à cette époque, Dufaux s’y rend en 1980 et en rapporte une trilogie (Gui Daò – Sur la voie – une gare sur le Yangzi, Aller-retour Beijing et Quelques Chinoises nous ont dit). Revenu sur terre ou plutôt sur mer, notre documentariste tourne en 1986 un long métrage sur un bateau de pêche terre-neuvien (10 jours… 48 heures). Entre 1986 et 1989, il dirige l’équipe française de l’ONF avant de quitter l’organisme. Dans le privé, il réalise encore quelques documentaires lors de la dernière décennie du siècle passé : Rue Sainte-Catherine est… to West, un subtil portrait de Montréal datant de 1992, Voyage illusoire sur une écrivaine chinoise de Montréal (1998) et, à l’aube de l’an 2000, sa dernière réalisation, un moyen métrage consacré à Denys Arcand qu’il filme pendant le tournage de Stardom : De l’art et la manière chez Denys Arcand. Durant toute sa carrière de réalisateur, il a poursuivi son activité de chef-opérateur et a travaillé avec quelques-uns des plus grands réalisateurs québécois des générations suivantes : Léa Pool, Francis Mankiewicz, André Forcier, François Girard… Malade, il part vivre en Suisse où il meurt en 2008. ■
Principales réalisations
1964 Caroline (coréalisation Clément Perron)
1965 Les Départs nécessaires
1967 C’est pas la faute à Jacques Cartier (coréalisation Clément Perron)
1974 À votre santé
1975 Au bout de mon âge
1978 Les Enfants des normes
1980 Gui Daò – Sur la voie
1992 Rue Sainte-Catherine est… to West
1998 Voyage illusoire
2000 De l’art et la manière chez Denys Arcand
Jacques Godbout
Né le 27 novembre 1933 à Montréal (Québec).
Enseignant, poète, écrivain, journaliste, publicitaire homme politique, dramaturge, cinéaste, scénariste, producteur, administrateur… Jacques Godbout est le prototype du touche-à-tout. Issu d’une famille relativement aisée, Jacques Godbout – comme Denys Arcand – fait ses études chez les Jésuites. Sa maîtrise en poche, il part enseigner pendant trois ans à Addis-Abeba. À son retour à Montréal en 1958, il travaille quelques mois dans la publicité avant d’intégrer l’ONF comme traducteur. Parallèlement, il publie des recueils de poésies et cofonde Liberté, une des principales revues intellectuelles de l’époque au Québec. Son premier film, Les Dieux, est un court métrage documentaire qu’il signe en 1961 avec Georges Dufaux. Pendant cette révolution tranquille dont il est l’un des principaux scribes, il collabore à Radio-Canada et rédige des articles pour de nombreux journaux. Il écrit aussi plusieurs romans dont le plus célèbre, Salut Galarneau !, sort en 1967. Entre-temps, il s’est lancé dans le cinéma de fiction : Fabienne sans son Jules (1964), YUL 871 (1966) et Kid Sentiment (1967). Toujours aussi éclectique, Godbout s’implique politiquement en participant en 1962 à la fondation du Mouvement laïque de langue française et en 1968 à la création du Mouvement Souveraineté-Association qui donne naissance quelques mois plus tard au Parti Québécois. Dans la décennie suivante, il signe deux autres longs métrages de fictions : IXE 13 (1971) et La Gammick (1974). En 1977, il devient le premier président de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois. Mais c’est surtout dans le domaine documentaire que Godbout se fait remarquer. En 1979, il rend hommage à un ami suicidé doublé d’un grand écrivain (Deux épisodes dans la vie d’Hubert Aquin) ; en 1987, il livre une réflexion intéressante mais un peu superficielle sur le terrorisme au Québec et dans le monde (En dernier recours) ; l’année suivante il dresse le portrait d’un faux cow-boy québécois (Alias Will James) ; en 1994 un autre faussaire est à l’honneur (L’Affaire Norman William) ; en 1996, il tente d’analyser les conséquences de la Bataille des plaines d’Abraham de 1759 qui mit fin au régime français et imposa la domination britannique sur le Nord du continent (Le Sort de l’Amérique). En 2018, il publie son autobiographie : De l’avantage d’être né. ■
Principales réalisations
1966 Yul 871
1968 Kid Sentiment
1972 IXE 13
1975 La Gammick
1979 Deux épisodes dans la vie de Hubert Aquin
1987 En dernier recours
1988 Allias Will James
1992 Le Mouton noir
1994 L’Affaire Norman William
1996 Le Sort de l’Amérique
Gilles Groulx
Né le 1931 à Montréal (Québec) et mort le 22 août 1994 à Longueuil (Québec).
Celui que le poète situationniste Patrick Straram surnomma « Le Lynx inquiet » eut une trajectoire aussi fulgurante que tragique. Originaire d’un quartier pauvre de Montréal, Gilles Groulx fait des études à l’école des Beaux-Arts et commence par faire de la peinture. Puis il travaille à Radio-Canada avant de rejoindre en 1956 l’ONF comme monteur. Il y fait toute sa carrière. Son premier court métrage documentaire, Les Raquetteurs, qu’il coréalise avec Michel Brault en 1958, est un coup de maître puisque ce petit film est considéré aujourd’hui comme le premier jalon du cinéma direct. Suivent quelques autres films de la même veine dont La France sur un caillou tourné à Saint-Pierre-et-Miquelon en 1960, Golden Gloves, sur la boxe (1961), Voir Miami, sur les États-Unis (1963), Un jeu si simple sur le hockey, le sport le plus prisé des Québécois (1965). Entre-temps, en 1964, Gilles Groulx signe son premier long métrage de fiction, Le Chat dans le sac que beaucoup considèrent à juste titre comme le premier chef-d’œuvre de cette cinématographie naissante ; dans un style qui n’est pas sans rappeler celui des premiers Jean-Luc Godard, Groulx raconte, sur fond de guerre du Viet-nam et des premiers attentats du Front de Libération du Québec, la séparation entre un jeune francophone et une riche juive anglophone. Ses longs métrages suivants ont pour points communs d’être de plus en plus engagés et de moins en moins narratifs. C’est le cas d’Où êtes-vous donc ? qui prend l’affiche en 1968, d’Entre tu et vous (1969), de 24 heures ou plus (1971). Ce dernier film, ouvertement indépendantiste et révolutionnaire, est censuré par l’ONF qui n’accepte de le sortir qu’en 1976. Cette interdiction affecte beaucoup Groulx qui se rend au Mexique pour tourner Première Question sur le bonheur, un long métrage documentaire sur la lutte de paysans voulant acquérir les terres sur lesquelles ils travaillent. De retour au Québec, Groulx tourne Au pays de Zom. Mais, en 1980, il est victime d’un grave accident de voiture qui le conduit à passer les dernières années de sa vie dans un établissement spécialisé où il se consacre à la peinture. ■
Longs métrages
1964 Le Chat dans le sac
1968 Où êtes-vous donc ?
1969 Entre tu et vous
1976 24 heures ou plus
1977 Première question sur le bonheur
1982 Au pays de Zom
Denis Héroux
Né le 15 juillet 1940 à Montréal (Québec) et mort le 10 décembre 2015 à Montréal (Québec).
Étudiant en histoire à l’Université de Montréal, Denis Héroux réalise en 1962 avec ses collègues d’université Denys Arcand et Stéphane Venne, Seul ou avec d’autres. Ce film sans grands moyens mais bénéficiant de la collaboration de quelques-uns des meilleurs techniciens francophones de l’ONF (Michel Brault, Marcel Carrière et Gilles Groulx) raconte les premiers amours d’une étudiante. Contre toute attente, il est sélectionné à la Semaine de la critique du Festival de Cannes et devient la première fiction québécoise à être présentée sur la Croisette. Deux ans plus tard, Héroux récidive (toujours avec le soutien d’Arcand qui collabore au scénario et de Stéphane Venne qui en compose la musique) et, bien que l’apport de Gilles Groulx y soit déterminant, signe seul un nouveau long métrage : Jusqu’au cou. Ce portrait d’une jeunesse québécoise à la recherche de son identité est la première fiction de ce pays en devenir où apparaissent des membres du Front de Libération du Québec (dont le chef est interprété par Bernard Landry, futur Premier Ministre du Québec). Devenu enseignant, il est l’un des premiers fondateurs de cette cinématographie à travailler dans l’embryonnaire secteur privé. Il y réalise un long métrage en 1965, Pas de vacances pour les idoles, une comédie grand public qui rencontre un certain succès. Mais c’est quatre ans plus tard, en 1969, qu’il décroche le gros lot avec Valérie, le premier film érotique de cette jeune cinématographie. L’histoire d’une élève d’une école religieuse devenue prostituée attire les foules et les recettes faramineuses pour l’époque. Poursuivant dans la même veine, Héroux enchaîne trois films érotiques : L’Initiation (1969), L’Amour humain (1970), 7 fois… par jour (1971). L’année suivante, il change de registre et tourne Un enfant comme les autres, une docu-fiction consacrée à René Simard, un jeune chanteur prodige. Son projet suivant dont le titre emprunte à une phrase écrite par Voltaire, Quelques arpents de neige, est la première fiction d’envergure à traiter de la révolte des Patriotes de 1837 qui essayèrent en vain de chasser l’occupant britannique. Malheureusement, la bluette sentimentale qu’il colle sur l’événement historique et la piètre performance des acteurs font échouer cette œuvre ambitieuse. Héroux rebondit l’année suivante en tournant J’ai mon voyage ! une comédie populaire qui rencontre le succès. Creusant le même sillon, notre homme signe Y’a toujours moyen de moyenner (1973) et Pousse mais pousse égal (1974). La même année, il met en boîte une coproduction avec la France : Jacques Brel is alive and well and living in Paris. Héroux réalise en 1976 et 1977 encore deux films d’horreur en anglais (Born for Hell et The Uncanny) avant de se consacrer entièrement à sa nouvelle passion : la production. À ce titre, il coproduit avec la France plusieurs films de Claude Chabrol (Les Liens de sang, Violette Nozières, Le Sang des autres) ; À nous deux de Claude Lelouch, Atlantic City de Louis Malle, La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud, Louisiane de Philippe de Broca… Il est aussi à l’origine de films combinés à des séries télévisuelles signés par de grands cinéastes québécois : Les Plouffe de Gilles Carle et Le Crime d’Ovide Plouffe de Denys Arcand. Il meurt à Montréal en 2015 des suites d’une longue maladie. ■
Longs métrages en français
1962 Seul ou avec d’autres
1964 Jusqu’au cou
1965 Pas de vacances pour les idoles
1969 Valérie
1969 L’Initiation
1970 L’Amour humain
1971 7 fois… par jour
1972 Quelques arpents de neige
1973 J’ai mon voyage !
1973 Y’a toujours moyen de moyenner
1974 Pousse mais pousse égal
1974 Jacques Brel is alive and well and living in Paris
Claude Jutra
Né le 11 mars 1930 à Montréal (Québec) et mort le 5 novembre 1986 à Montréal (Québec).
Le pionnier des fondateurs. Ce fils d’un célèbre radiologiste québécois se passionne très jeune pour le 7e Art. Tout en poursuivant des études de médecine (il obtient son diplôme à 22 ans, mais n’exercera jamais), il commence à réaliser de petits films avec son copain de lycée, Michel Brault à la fin des années 1940. En 1953, il écrit la première pièce de théâtre pour la télévision française de Radio-Canada. Dès 1954, deux ans avant le déménagement de l’institution d’Ottawa à Montréal, il collabore aux activités cinématographiques de l’ONF. C’est en 1957 qu’il s’y fait connaître en cosignant avec le grand cinéaste d’animation Norman McLaren A Chairy Tale / Il était une chaise. Ce court métrage d’animation où Jutra joue avec une chaise diabolique reçoit de nombreux prix. L’année suivante, il signe son premier long, Les Mains nettes, d’après un scénario de Fernand Dansereau. Après avoir réalisé, toujours à l’ONF, un court métrage consacré au chanteur Félix Leclerc, il part en France en 1959 où il va travailler brièvement avec François Truffaut. C’est à Paris qu’il découvre des documentaires de Jean Rouch tournés en Afrique. Cela lui donne envie de partir à la découverte du continent noir. Il y tourne Le Niger, jeune république. Revenu à Montréal, Jutra retrouve Michel Brault et réalise avec lui (et d’autre cinéastes de l’équipe française de l’ONF) plusieurs courts marquant du cinéma direct québécois : La Lutte, Québec USA ou l’invasion pacifique, Les Enfants du silence. En 1963, il réalise À tout prendre, un des tout premiers longs métrages indépendants québécois. Dans ce film largement autobiographique, dans un style sous la double influence du cinéma direct et de la Nouvelle Vague, Jutra, qui incarne le personnage principal, raconte ses amours avec une jeune et belle Haïtienne (jouée par son ancienne compagne). Il la quitte lorsqu’il se rend compte de son homosexualité. Dans le Québec encore pétri d’un catholicisme conservateur, cette confession filmée qui bouscule les tabous fait l’effet d’une bombe. Le film reçoit de nombreux prix. Dans cette décennie de la Révolution tranquille, Jutra signe encore quelques œuvres plutôt mineures dont les principaux personnages sont des adolescents. La plus notable étant Wow en 1969. Deux ans plus tard, il revient en force avec Mon oncle Antoine, un film d’auteur populaire qui devient l’un des plus célèbres de la jeune cinématographie québécoise. Le succès du film lui permet d’obtenir un important budget pour adapter à l’écran le livre d’Anne Hébert Kamarouska. Cette coproduction historique avec la France, principalement interprétée par Geneviève Bujold et Philippe Léotard, tourne au fiasco : désaccords avec les producteurs, fâcherie définitive avec Michel Brault, échec commercial… Son film suivant, Pour le meilleur et pour le pire (1975) n’a pas davantage de succès. Jutra connaît alors de plus en plus de difficultés à trouver les moyens de financer de nouveaux projets. Il fait du théâtre, tourne des publicités, et part à Toronto réaliser des films et des téléfilms en anglais. Il réussit toutefois à tourner un ultime long métrage au Québec en 1984, La Dame en couleurs. Se rendant compte qu’il est atteint d’une maladie incurable qui lui fait perdre la mémoire, le cinéaste se suicide en 1986 en se jetant du pont Jacques Cartier. L’importance de certaines de ses œuvres, son engagement pour que le cinéma soit soutenu au Québec, les difficultés rencontrées à la fin de sa carrière, sa mort prématurée et tragique, font de Jutra une véritable icône du cinéma québécois. Elle tombe brutalement de son piédestal en 2016, lorsque le critique de cinéma Yves Lever publie une biographie révélant qu’il était pédophile. Depuis ce scandale, les prix remis aux meilleurs films québécois chaque année ne s’appellent plus les Jutra, il en est de même de la grande salle de la Cinémathèque québécoise, de rues et de jardins de plusieurs villes… ■
Longs métrages en français
1958 Les Mains nettes
1963 À tout prendre
1969 Wow
1971 Mon oncle Antoine
1973 Kamouraska
1975 Pour le meilleur et pour le pire
1984 La Dame en couleurs
Jean-Claude Labrecque
Né le 19 juin 1938 à Québec (Québec) et mort le 31 mai 2019 à Montréal (Québec).
Orphelin, Jean-Claude Labrecque est adopté par des parents qui disparaissent lorsqu’il est encore jeune. Il existe des débuts d’existence plus faciles. Il grandit à Québec, une ville à laquelle, bien que devenu Montréalais comme la quasi-totalité des cinéastes de cette époque, il demeure attaché pendant sa longue carrière cinématographique. Après des débuts comme photographe, il intègre l’ONF comme assistant-caméraman en 1959. Cette première expérience formatrice à l’Office tourne court et son contrat de trois ans n’est pas renouvelé. Il commence à offrir ses services de chef-opérateur aux quelques entreprises privées alors actives dans la Belle province. Sa chance est d’être embauché par Claude Jutra pour travailler sur À tout prendre, un des premiers et remarquables longs métrages de fiction de cette cinématographie émergente. Auréolé de cette collaboration, il réintègre l’ONF en 1964. Au titre de chef-opérateur, il participe à la réalisation de quelques-uns des films importants de la période : Solange dans nos campagnes et La Vie heureuse Léopold Z de Gilles Carle, Un jeu si simple et Le Chat dans le sac de Gilles Groulx, De Montréal à la Manicouagan d’Arthur Lamothe… Tout en continuant à travailler comme directeur de la photo, Labrecque signe son premier court métrage en 1965 (60 cycles). Deux ans plus tard, c’est l’année de l’Exposition universelle de Montréal qui attire des millions de visiteurs du monde entier. Le plus célèbre n’est autre que Charles de Gaulle. Sentant que ce serait un moment important de l’histoire du Québec contemporain, Labrecque trouve les moyens et les autorisations de filmer au plus près le président de la République française. Ce petit film intitulé tout simplement La Visite du Général de Gaulle au Québec se termine par le célèbre : « Vive le Québec libre ! », lancé par le vieux général du balcon de l’Hôtel de ville de Montréal. Le film fait le tour du monde. Après quelques courts métrages documentaires, Labrecque, qui aime la poésie et les poètes, réunit les plus célèbres d’entre eux lors d’une mémorable soirée qu’il organise avec Jean-Pierre Masse. Intitulé La Nuit de la poésie 27 mars 1970, ce long métrage réalisé quelques mois avant les événements d’Octobre 1970 montre à quel point la ferveur indépendantiste imprégnait à cette époque la vie culturelle montréalaise. Deux autres événements similaires sont enregistrés par Labrecque et Masse en 1980 et en 1991. Comme la quasi-totalité de ses confrères documentaristes, Labrecque veut aborder la fiction. Il le fait en 1972 avec Les Smattes, qui s’inspire d’un fait divers tragique survenu en Gaspésie quelques années plus tôt. En 1975, il retourne à Québec pour faire revivre devant sa caméra ses souvenirs d’enfance avec l’émouvant Les Vautours. Fort du succès de ce long métrage, Labrecque en fait une suite en 1984 ; malheureusement Les Années de rêves, qui se déroule à Montréal pendant la Révolution tranquille, ne trouve pas son public. Labrecque retourne alors au documentaire et en tourne des dizaines, pratiquement jusqu’à sa mort en 2019. Les thèmes de prédilection de ces derniers films étant l’histoire de son pays (L’Histoire de Trois, Le RIN, À hauteur d’homme…) et la création artistique (Bonjour Monsieur Gauguin, 67 bis boulevard Lannes, André Mathieu, musicien…). ■
Principaux films
1967 La Visite du Général de Gaulle au Québec
1971 La Nuit de la poésie 27 mars 1970
1972 Les Smattes
1975 Les Vautours
1984 Les Années de rêves
1990 67 bis boulevard Lannes
2002 Le RIN
2003 À hauteur d’homme
Arthur Lamothe
Né à Saint-Mont (Gers, France) le 7 décembre 1928 et mort 18 septembre 2013 à Montréal (Québec).
Originaire du Gers, dont il a gardé l’accent toute sa vie, Arthur Lamothe a 25 ans lorsqu’il arrive au Québec au début des années 1950. Il commence à travailler comme bûcheron ; une activité qui va le servir grandement dans sa future carrière cinématographique. Après avoir repris des études universitaires à Montréal, il devient recherchiste à Radio-Canada en 1957. Passionné de cinéma, il écrit également des critiques pour plusieurs revues. Il rejoint l’ONF en 1961 et participe à l’élaboration du scénario de trois courts métrages. Bûcherons de la Manouane, son premier film, date de l’année suivante. Son coup d’essai est un coup de maître. Ce documentaire de 28 minutes sur les difficiles conditions de vie des travailleurs du bois dans le Nord québécois, est sélectionné dans de nombreux festivals et obtient plusieurs prix. Il réalise encore quelques films à l’ONF, en particulier une première fiction intitulée La Neige a fondu sur la Manicouagan. Il quitte l’office en 1966 et fonde une compagnie de productions privée qui va lui donner toute latitude (mais pas forcément tous les moyens) pour réaliser du cinéma socialement engagé. Le film majeur de cette période est Le mépris n’aura qu‘un temps (1969) dont le point de départ est la mort tragique de sept ouvriers dans un accident. Dans la décennie suivante, Lamothe est l’un des tout premiers cinéastes au Québec à s’intéresser à la situation des Amérindiens. Il consacre plus de vingt courts métrages documentaires d’une durée totale de 19 heures aux Premières nations qui tentent, tant bien que mal, de sauvegarder leur culture. Cette démarche aboutit en 1983 à un long métrage sur le même sujet intitulé Mémoire battante que beaucoup considèrent comme son chef-d’œuvre. Il tourne ensuite en 1986 Équinoxe, une fiction qui ne rencontre pas le succès escompté. Au début de la décennie suivante, il renoue avec son intérêt pour les peuples autochtones et signe deux regroupés sous le titre La Conquête de l’Amérique I et II. À partir d’un événement tragique (la mort mystérieuse de deux Montagnais, la plus importante tribu autochtone du Québec), Lamothe se lance de nouveau dans la fiction et tourne en 1996 Le Silence des fusils, une coproduction avec la France (un des rôles principaux est tenu par Jacques Perrin). C’est encore un échec. Au début du XXIe siècle, il signe ses deux derniers documentaires, dont un consacré à des pêcheurs acadiens. ■
Principaux films
1962 Les Bûcherons de la Manouane
1965 La Neige a fondu sur la Manicouagan
1969 Le Mépris n’aura qu’un temps
1983 Mémoire battante
1986 Équinoxe
1990 La Conquête de L’Amérique I
1991 La Conquête de l’Amérique II
1996 Le Silence des fusils
Jacques Leduc
Né le 25 novembre 1941 à Montréal (Québec).
Né la même année que Denys Arcand, Jacques Leduc a commencé par être l’un des rédacteurs de la revue de cinéma Objectif. Il intègre l’ONF en même temps que le futur réalisateur du Déclin de l’empire américain et y apprend le métier de caméraman. Après avoir collaboré à la réalisation de Yul 871, le premier long de fiction de Jacques Godbout (1966), Leduc commence à réaliser quelques courts métrages. Son premier grand film, Cap d’espoir, aurait dû sortir en 1969. Mais, officiellement à cause de grossièretés, il est censuré par la direction de l’ONF, alors repris en main par Sydney Newman, un commissaire unilingue anglophone nommé pour contrer la ferveur nationaliste et socialiste de plusieurs réalisateurs francophones (dont Leduc). Dans les mois qui suivent, On est au coton d’Arcand et 24 heures ou plus de Gilles Groulx connaissent le même triste sort et ne sortent qu’en 1976, après le départ de Newman. Pas découragé, Leduc signe, toujours à l’ONF, un premier long métrage de fiction intitulé On est loin du soleil. Il s’inspire de la vie du Frère André, un mystique qui aurait accompli des guérisons miraculeuses (il est canonisé en 2010). Changement radical de sujet – une caractéristique de l’œuvre de Leduc – pour sa fiction suivante qui voit le jour en 1963 : Tendresse ordinaire, comme son titre l’indique, essaye de mettre en images ce sentiment fragile et indispensable. Leduc revient ensuite au documentaire avec sept films de longueur différente (un par jour de la semaine) qu’il réalise avec la collaboration d’autres cinéastes et réunit sous le titre Chroniques de la vie quotidienne. Au début des années 1980, nouveau changement de cap avec Albédo qu’il signe avec Renée Roy. Qui a pour sujet la vie et l’œuvre d’un photographe sourd qui s’est suicidé quelques années auparavant. En 1984, cette fois avec Roger Frappier, il tourne Le Dernier Glacier, qui mélange fiction et documentaire et raconte parallèlement, parfois en double écran, la fermeture d’une mine québécoise et la fin d’un amour. Jacques Leduc veut comprendre quel bilan tirer de leurs engagements à Gauche des militants de son âge. Après avoir fait deux courts métrages sur le sujet (un sur les hommes, l’autre sur les femmes), il les intègre dans un long métrage documentaire intitulé Charade chinoise qui prend l’affiche en 1988. La même année, sort Trois Pommes à côté du sommeil, sa fiction la plus célèbre qui, à travers le portrait d’un quadragénaire, dresse celle d’une société et d’une génération qui doutent, après l’exaltation des années 1960-1970. Leduc quitte l’ONF à la fin de la décennie. Il réalise encore un téléfilm (L’Enfant sur le lac), un long métrage erratique (La Vie fantôme) et un projet plus ambitieux sur la fin de vie, principalement interprétée par Annie Girardot (L’Âge de braise). Il intervient parallèlement comme caméraman sur plusieurs films québécois importants des années 1980-1990. ■
Principaux films
1969 Cap d’espoir
1970 On est loin du soleil
1973 Tendresse ordinaire
1982 Albédo
1984 Le Dernier glacier
1988 Charade chinoise
1988 Trois Pommes à côté du sommeil
1992 La Vie fantôme
1998 L’Âge de braise
Jean-Pierre Lefebvre
Né le 17 août 1941 à Montréal (Québec).
Contrairement aux autres fondateurs de la cinématographie québécoise, Jean-Pierre Lefebvre n’est pas passé par la case ONF et n’a pratiquement jamais réalisé de documentaires ou de courts métrages (à l’exception de sa première réalisation, L’Homoman, 1964). Après avoir écrit des poèmes et beaucoup fréquenté les ciné-clubs, il devient critique de cinéma à la revue Objectif. Avec peu de moyens et après avoir créé de petites compagnies de production indépendantes, il ne réalise pas moins d’une vingtaine de longs métrages de fiction entre le milieu des années 1960 et le milieu des années 1980. Le premier, Le Révolutionnaire, voit le jour en 1965. Lefebvre s’y moque des jeunes de sa génération qui prétendent renverser la société par les armes. La plupart de ses films suivants (Il ne faut pas mourir pour ça, Jusqu’au cœur, Mon œil, Les Maudits sauvages, Ultimatum…) dressent un portrait sans concession et souvent ironique de la société québécoise et des bouleversements induits par la Révolution tranquille. En 1969 – année érotique – en voulant parodier les « films de fesses » qui font alors florès dans la Belle province, Lefebvre connaît un succès commercial avec Q-Bec My Love. Il conquiert de nouveau un public plus large avec Les Dernières Fiançailles qui en 1973 explore avec beaucoup de sensibilité les rapports au sein d’un couple vieillissant. Souvent sélectionné à la Quinzaine de réalisateurs à Cannes (et beaucoup plus rarement en Compétition officielle), Lefebvre s’implique également dans la mise en place de structures syndicales visant à défendre les droits des réalisateurs québécois. Après l’échec, au début des années 1990, du Fabuleux Voyage de l’ange, Lefebvre utilise l’outil vidéo pour réaliser des productions à la diffusion nécessairement plus confidentielle. En 1998, avec Aujourd’hui ou jamais, il boucle une trilogie entamée en 1966 avec Il ne faut pas mourir pour ça et poursuivie en 1977 avec Le Vieux Pays où Rimbaud est mort. Dans ces trois films de fiction, nous retrouvons le même personnage, Abel, incarné par Marcel Sabourin. Son dernier film, La Route des cieux date de 2010. ■
Principaux longs métrages
1965 Le Révolutionnaire
1966 Il ne faut pas mourir pour ça
1966 Patricia et Jean-Baptiste
1968 Jusqu’au cœur
1969 Q-Bec My Love
1971 Les Maudits sauvages
1973 Les Dernières fiançailles
1977 Le Vieux pays où Rimbaud est mort
1982 Les Fleurs sauvages
1991 Le Fabuleux Voyage de l’ange
1998 Aujourd’hui ou jamais
Pierre Patry
Né le 2 novembre 1933 à Hull (Québec) et mort le 7 juin 2014 à Québec (Québec).
Pierre Patry fait ses débuts au théâtre. Membre fondateur de l’Association canadienne du théâtre amateur, il met en scène une quarantaine de spectacles dans les années 1950. En 1957, incité par Claude Jutra, il rejoint l’ONF comme scénariste et assistant réalisateur. Mais dès son entrée à l’Office, il signe sa première réalisation, La Roulotte, un court métrage de la série Passe-partout. Tout en collaborant avec Jutra sur plusieurs de ses films, Patry réalise dans les années suivantes des portraits de plusieurs célébrités québécoises : l’écrivaine Germaine Guèvremont (1959), l’historien et chanoine Lionel Groulx (1960) et le politicien Louis-Hippolyte Lafontaine (1962). Entre-temps on retrouve son nom en haut du générique de plusieurs autres courts documentaires onéfiens. En 1963, voulant se lancer dans la fiction, il quitte l’ONF et fonde avec d’autres transfuges de l’office sa propre société de production : Cooperatio. C’est au sein de cette entreprise en proie à des difficultés financières quasi permanentes qu’il va tourner ses œuvres les plus marquantes. Trouble-fête, en 1964, se déroule dans le milieu étudiant et a pour objectif de montrer comment la Révolution tranquille a permis de changer et de démocratiser l’Université, jusque là réservée à une petite élite. Le succès du film lui permet de financer ses deux autres longs : La Corde au cou et Caïn (1965). L’échec de ces derniers films incite Pierre Patry à se concentrer sur son rôle de producteur. C’est grâce à lui que des films aussi importants que Poussières sur la ville d’Arthur Lamothe (1965), Délivrez-nous du mal (1965) du jeune et ambitieux Jean-Claude Lord ou Entre la mer et l’eau douce (1967), le premier film de fiction de Michel Brault, voient le jour. Le manque de moyens conduit Patry à quitter le monde du cinéma en 1967 pour prendre la direction d’une Maison des jeunes, puis de devenir un acteur important de la télévision éducative. Il revient toutefois brièvement au 7è Art pour produire Les Colombes, un long métrage de fiction que réalise Jean-Claude Lord en 1972. ■
Films principaux comme réalisateur
1959 Germaine Guèvremont, romancière
1960 Le Chanoine Lionel Groulx, historien
1962 Louis-Hyppolite Lafontaine
1964 Trouble-fête
1965 La Corde au cou
1965 Caïn
Pierre Perrault
Né le 29 juin 1927 à Montréal (Québec) et mort le 23 juin 1999 à Montréal (Québec).
Cela a souvent été dit : avant d’être un homme d’images, Pierre Perrault fut un homme de paroles. Après avoir suivi une formation juridique, le futur documentariste signe plusieurs séries pour Radio-Canada à la fin des années 1950. C’est pendant cette période qu’il fait connaissance des lieux et des personnes qui vont peupler son univers cinématographique si particulier. Il commence à collaborer avec l’ONF en 1962. Avec Michel Brault à la caméra et Marcel Carrière au micro, Perrault réalise Pour la suite du monde. Ce documentaire tourné pendant un an et qui se déroule dans la lointaine et isolée Île aux Coudres, nous permet de faire connaissance avec des personnages emblématiques d’un Québec rural et traditionnel dont la famille la plus marquante est celle des Tremblay (le nom le plus courant au Québec, porté par environ 250 000 personnes !). En 1963, Pour la suite du monde est le premier long métrage québécois à être sélectionné officiellement au Festival de Cannes. L’œuvre singulière qui reconstitue une pêche aux marsouins comme les pécheurs de l’île la faisaient au début du XXè siècle, est remarquée par plusieurs critiques dont l’influent Louis Marcorelles, du Monde. Le cinéma québécois est né. Perrault – l’un des très rares fondateurs à n’avoir jamais réalisé de fictions – dans les années qui suivent poursuit sa collaboration avec Alexis Tremblay et ses proches ; dans Le Règne du jour (1966), il les filme découvrant la France, terre de leurs ancêtres et dans Les Voitures d’eau (1968) nous les voyons construire des bateaux en bois tout en discourant sur l’avenir de leur pays. Ouvertement et profondément nationaliste, Perrault consacre ses films suivant au séparatisme québécois (Un pays sans bon sens, 1970) et aux luttes des jeunes Acadiens de l’université de Moncton pour pouvoir étudier en français (L’Acadie l’Acadie ?!?, 1971, coréalisé par Michel Brault). La même année, il publie un recueil de poèmes intitulé En désespoir de cause, où, courageusement, il prend la défense des felquistes (membres du FLQ) qui, quelques mois plus tôt, ont enlevé deux personnalités et provoqué une crise politique majeure au Canada. Dans les années 1970, Pierre Perrault se consacre à deux cycles de films. L’un sur l’Abitibi, région septentrionale du Québec et l’autre aux Amérindiens. Ses derniers documentaires se concentrent sur la nature d’un pays qu’il adore et parcourt de long en large. Tantôt, il reconstitue la traversée de l’Atlantique en bateau à voile (La Grande Allure, 1985), tantôt il capte des images de bœufs musqués tout en narrant de longs poèmes (L’Oumigmag ou l’objectif documentaire, 1993 et Cornouailles, 1994 ses derniers films). ■
Principaux documentaires :
1963 Pour la suite du monde
1966 Le Règne du jour
1968 Les Voitures d’eau
1970 Un pays sans bon sens
1971 L’Acadie l’Acadie ?!?
1985 La Grande Allure
1993 L’Oumimag ou l’objectif documentaire
1994 Cornouailles
Clément Perron
Né le 3 juillet 1929 à East Broughton (Québec) et mort le 12 octobre 1999 à Pointe-Claire (Québec).
Originaire de la Beauce (centre Est du Québec), Clément Perron fait comme Denys Arcand et nombre d’enfants de bonnes familles de sa génération, sa scolarité chez les Jésuites. À l’université, il obtient des diplômes en lettres et en philosophie qu’il va compléter au milieu des années 1950, par des études littéraires et cinématographiques en France. À son retour, il rejoint l’ONF comme scénariste. Il mettra de nombreuses années avant de signer seul des longs métrages de fiction. En attendant il réalise des courts : Georges P. Vanier, soldat, diplomate, gouverneur général (1960) ou Jour après jour (1962). Il entame ensuite une collaboration avec Georges Dufaux d’où émergent un court métrage, Caroline (1964), puis un long, C’est pas la faute à Jacques Cartier (1967), une comédie sur les rapports entre les Québécois et leurs voisins étasuniens. Parallèlement, Perron est actif au sein de l’ONF pour mettre en place un programme francophone et dans la profession est, de ce fait, membre fondateur en 1964 de l’Association Professionnelle des Cinéastes (APC). À la fin des années 1960, toujours à l’Office, il agit en tant que producteur. À ce titre, il collabore avec Léonard Forest (Les Acadiens de la dispersion), Jean-Pierre Lefebvre (Mon amie Pierrette et Jusqu’au cœur), Jacques Godbout (Kid Sentiment)… Au début de la décennie suivante, il reprend son activité de scénariste. À partir de ses souvenirs d’enfance, il bâtit l’histoire de Mon oncle Antoine que réalise Claude Jutra et qui rencontre un succès considérable. Dans la foulée il écrit le scénario de Stop, le premier long métrage de Jean Beaudin et celui des Smattes de Jean-Claude Labrecque. Ce n’est qu’après toutes ces expériences que Perron se lance seul dans la réalisation de longs métrages de fiction. Coup sur coup il signe Taureau (1973) qui raconte comment une famille est harcelée par les habitants d’un village de la Beauce puis Partis pour la gloire (1975) qui évoque, toujours dans sa région d’origine, la résistance à la conscription obligatoire pendant la Seconde Guerre mondiale. Après avoir travaillé dans plusieurs régions du Canada pour aider à la production d’œuvres francophones hors du Québec, Perron quitte l’ONF au milieu des années 1980 afin de poursuivre son activité de scénariste dans l’industrie privée et tout particulièrement à la télévision. ■
Principales réalisations
1964 Caroline (coréalisation Georges Dufaux)
1967 C’est pas la faute à Jacques Cartier (coréalisation Georges Dufaux)
1973 Taureau
1975 Partis pour la gloire
Anne Claire Poirier
Née le 6 juin 1932 à Sainte-Hyacinthe (Québec).
Seule femme de ce petit dictionnaire des fondateurs du cinéma québécois, Anne Claire Poirier, après des études juridiques et d’art dramatique, commence sa carrière dans l’audiovisuel par travailler à Radio-Canada. En 1960, elle rejoint l’ONF où elle commence à faire du montage. Elle réalise un premier court métrage en 1963 consacré au comédien canadien Christopher Plummer. L’année suivante elle signe La Fin des étés, une première fiction, coécrite avec l’écrivain Hubert Aquin. Son premier long métrage date de 1967. De mère en fille, qui a pour thème central la grossesse, marque le début du cinéma féministe au Québec. À l’orée des années 1970, elle obtient de l’ONF la création d’un studio réservé aux femmes. Anne Claire Poirier y devient productrice. Cela ne l’empêche pas de signer un moyen métrage en 1974 Les Filles du Roy, et d’enchaîner en 1975 avec Le Temps de l’avant qui s’intéresse à une question très polémique à cette époque au Québec (comme dans beaucoup de pays occidentaux) : l’avortement. En 1979, c’est un autre thème féministe important que Poirier aborde, celui du viol, dans Mourir à tue-tête. Puis en 1982, c’est La Quarantaine dont le titre résume le sujet. Pour la télévision, elle s’intéresse ensuite à l’amitié masculine dans Salut Victor ! À l’occasion du cinquantenaire de l’ONF en 1989, Poirier réalise un film de montage sur les différentes façons de montrer les femmes depuis la création de l’Office. Sa dernière réalisation est plus personnelle ; après la mort de sa fille, jeune toxicomane assassinée, Poirier tourne son film le plus poignant : Tu as crié LET ME GO. ■
Longs métrages
1967 De mère en fille
1975 Le Temps de l’avant
1979 Mourir à tue-tête
1982 La Quarantaine
1988 Salut Victor !
1989 Il y a longtemps que je t’aime
1997 Tu as crié LET ME GO
Louis Portugais
Né le 13 janvier 1932 à Montréal (Québec) et mort le 16 juillet 1982 à Montréal (Québec).
Avant d’être l’un des piliers de l’équipe française de l’Office National du Film, Louis Portugais se fit connaître comme poète. Avec son confrère Gaston Miron et quelques autres écrivains, il fonde les éditions de l’Hexagone en 1953 qui publient dans les années 1960 et 1970 nombre de textes importants et le plus souvent engagés en faveur de l’indépendance du Québec. Gilles Carle participe également à cette aventure éditoriale. C’est Portugais qui convainc le futur réalisateur des premiers succès québécois en France, de faire du cinéma. Portugais rejoint l’ONF en 1954. Il tourne plusieurs courts métrages de la série Passe Partout. Certains sont en 1958 réunis pour en faire deux longs : Il était une guerre sur les réticences des Québécois à participer à la Seconde Guerre mondiale et Les 90 jours qui dénonce l’attitude de syndicats collaborant avec le patronat et le gouvernement Duplessis. Il devient ensuite producteur au moment où l’équipe française de l’ONF prend son essor. Mais il continue de tourner quelques documentaires. Certains concernent l’Afrique (Algérie 62, chronique d’un conflit et Afrique libre, cinq ans plus tard). Entre-temps, à la demande du Parti libéral québécois, Portugais réalise un micro-trottoir auprès des jeunes qui vont voter pour la première fois (1965). Non seulement dans Jeunesse année zéro, la plupart des personnes interrogées sont critiques par rapport au Gouvernement, mais plusieurs disent comprendre les felquistes qui commencent à poser des bombes. Les Libéraux ne diffuseront jamais ce film. Au début des années 1970, il essaye de dresser le bilan des mouvements de la jeunesse qui ébranlent une grande partie de la planète. Il devient ensuite professeur de cinéma. Il meurt prématurément à l’âge de 50 ans. ■
Principaux films en tant que réalisateur
1958 Il était une guerre
1958 Les 90 jours
1962 Algérie 62, chronique d’un conflit
1965 Jeunesse année zéro
1967 Afrique libre
1970 Notes sur la contestation