Publié le 27 avril, 2016 | par @avscci
0Numéro 632 – Salé Sucré de Ang Lee
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Dossier Salé Sucré de Ang Lee
Patriarcat, traditions et intégration dans les films d’Ang Lee
Belles familles
Né et élevé à Taïwan, Lee quitte l’île à l’âge de 23 ans pour étudier le cinéma aux États-Unis. Il est alors en conflit avec son père, directeur d’école sévère, qui se désole de voir son fils devenir un saltimbanque après avoir échoué au concours d’entrée à l’université. Remise en cause de l’autorité parentale, expatriation et nécessité de s’adapter à une nouvelle culture : Ang Lee n’a pas eu à chercher très loin le sujet de ses premiers films. Le rapport de l’individu au groupe social sert de fil directeur à l’œuvre variée du réalisateur.
Un père et manque
Les héros d’Ang Lee sont le plus souvent jeunes, voire très jeunes eu égard aux épreuves qu’ils traversent : le héros de L’Odyssée de Pi survit seul dans l’océan à 16 ans et les miliciens de Chevauchée avec le diable font la guerre alors qu’ils n’ont même pas 20 ans1. Les trois premiers films du réalisateur ont pour personnage récurrent un homme âgé mais ses enfants jouent à chaque fois un rôle important : au début de leur vie d’adulte, ils se construisent par opposition au modèle familial et le père doit en retour s’adapter aux évolutions de la société. Pushing Hands a bien pour thème la vieillesse, mais Garçon d’honneur et Salé sucré sont plutôt des films sur la jeunesse, du point de vue d’un vieil homme.
Film choral, Ice Storm donne autant d’importance aux parents qu’à leurs enfants, permutant le rôle de chacun. Les parents envient la liberté des enfants, leur capacité à profiter de la vie et bousculer l’ordre établi : la mère se met à faire des promenades à vélo et à voler à l’étalage comme sa fille. Les parents sont tentés par l’adultère et le libertinage, pour contrer l’usure du couple et retrouver la liberté de la jeunesse. Les enfants, eux, imitent la sexualité de leurs parents : la fille couche avec le fils de la maîtresse de son père, dans le lit des amants. Tous les membres de la famille en viennent à partager les mêmes fantasmes et les mêmes frustrations.
Dans les films d’Ang Lee, les pères sont souvent veufs et autoritaires. Lorsqu’ils sont absents, leurs filles sont plongées dans le désarroi et ont, comme pour compenser, une relation avec des hommes plus âgés (Raisons et Sentiments, Lust, Caution). La mort des parents est le point de départ de L’Odyssée de Pi, obligeant l’enfant à subvenir seul à ses besoins. Dans Hôtel Woodstock, c’est la mère qui écrase sa famille.
L’affection peut sauter une génération : le grand-père de Pushing Hands porte plus d’attention à son petit-fils qu’au père de celui-ci, et le fils homosexuel de Garçon d’honneur est obligé par ses parents à se marier pour leur donner une descendance. Dans Salé sucré, le cuisinier prépare des petits plats à la fille de sa voisine, pour compenser l’éloignement de ses propres enfants.
Le conflit générationnel est une constante chez le réalisateur, qui correspond à son intérêt pour les années 1960-70, grande période de contestation des conventions sociales et des valeurs familiales : trois des films américains d’Ang Lee se déroulent à cette période, Le Secret de Brokeback Mountain, Ice Storm et Hôtel Woodstock, ces deux derniers faisant explicitement référence à la libération sexuelle et à la contre-culture.
On retrouve même la thématique familiale dans un type de récit qui ne semble pas s’y prêter au premier abord : les bandes dessinées de super-héros. Ice Storm débute par une scène où un adolescent lit un comic-book des 4 fantastiques. Les improbables aventures de la Torche humaine, de la Femme invisible et leurs amis lui inspirent un commentaire sur la capacité d’une famille à s’autodétruire : « Plus ses membres ont de pouvoir et plus ils peuvent se faire du mal entre eux. La famille c’est notre propre antimatière, le vide dont on vient et auquel on retourne quand on meurt. Plus on y est replongé et plus on s’enfonce dans le vide. » Cette réflexion résonne avec le film à venir, bien que celui-ci soit ancré dans le quotidien. Dans Hulk, adaptation officielle d’un super-héros Marvel, le père est un personnage maléfique, un savant fou qui réalise des expériences sur son fils et devient dans le dernier acte du film un équivalent des divinités de la mythologie grecque (il maîtrise la foudre comme Zeus, l’eau comme Poséidon…), dont on connaît les généalogies troubles. À cette opposition père/fils s’ajoute celle entre Betty Ross, amoureuse du héros, et son militaire de père, qui a pour mission de le détruire.
Le rapport de filiation entre les personnages n’est pas forcément biologique, en particulier dans Tigre et Dragon. Ang Lee y retrouve une dernière fois Sihung Lung (qui interprétait le père dans ses trois premiers films) et lui donne un bref rôle d’aristocrate, protecteur et conseiller de Shu Lien (Michelle Yeoh), équivalent pour elle d’un père. Une filiation symbolique s’établit aussi entre les trois principaux personnages féminins et leurs interprètes, qui correspondent à trois générations d’actrices martiales : la débutante (Zhang Ziyi), la star confirmée (Michelle Yeoh) et, dans le rôle de Jade la Hyène, la légendaire Cheng Pei-Pei, vedette du genre depuis les années 60 et son rôle dans L’Hirondelle d’or de King Hu. Les deux adultes s’opposent autour de l’éducation de la jeune fille, Jade la Hyène l’entraînant à commettre des crimes alors que Shu Lien veut la remettre sur le droit chemin.
À table !
Dans les films d’action, le conflit familial est littéral : pères et fils, mères et filles se livrent à des joutes hyperboliques qui traduisent visuellement leurs failles psychologiques par de la destruction massive. Dans les autres films d’Ang Lee, ce sont les scènes de repas qui agissent comme un révélateur sur les convives, leurs aspirations et leurs conflits. Par-delà les différences culturelles, le cinéaste chinois a parfaitement compris la tradition américaine de Thanksgiving, réunion de famille obligatoire qu’il filme comme un rapport de force, entre un père de famille complaisant et sa fille critique dans Ice Storm, entre un patriarche et son gendre qu’il méprise dans Le Secret de Brokeback Mountain. Deux repas y sont montrés en alternance, dans une famille riche et chez des gens moins aisés : Brokeback Mountain n’est pas seulement un drame de l’homosexualité réprimée, c’est aussi un film social qui montre comment les amants s’éloignent à mesure que l’un (Jake Gyllenhaal) s’embourgeoise, pendant que le second (Heath Ledger) reste prisonnier d’un mode de vie et de pensée plus traditionnel.
Dans Lust, Caution, les scènes de mah-jong occupent la fonction dévolue ailleurs aux repas. Les femmes des politiciens chinois passent leurs journées à jouer tout en discutant de la situation du pays. La métaphore de l’échiquier politique n’a jamais été aussi pertinente : dans l’atmosphère feutrée de leur salon, les bourgeoises se répartissent les points comme les collaborateurs chinois partagent le pays avec l’envahisseur japonais. Les femmes ont une influence souterraine sur les actions de leurs maris et les alliances qui se nouent entre les joueurs ont des répercussions sur leurs vies privées (les personnages de Tang Wei et Tony Leung jouent contre la femme de celui-ci avant de consommer leur adultère).
Hier et aujourd’hui
Au travers du conflit parent/enfant, Ang Lee aborde plus largement le fossé entre les générations et, dans certains films, le sentiment de l’exil.
Pushing Hands débute par dix minutes sans dialogues, dont la scénographie pose les enjeux du film à venir avec une absolue clarté. Au rez-de-chaussée d’une maison, un vieil Asiatique et une Américaine vaquent à leurs occupations, chacun de son côté : il fait du Tai-chi, elle sort faire du jogging ; il calligraphie, elle écrit à l’ordinateur ; il mange dans un bol, elle prend une assiette… L’Orient et l’Occident, la tradition et la modernité s’opposent dans la profondeur de champ ou, plus précisément, sont mis en perspective dans l’image.
La tradition est un monde clos, bousculé par l’ouverture aux autres cultures que permet le monde moderne : le cuisinier chinois de Salé sucré a une fille qui travaille dans un fast food américain, une autre qui est catholique et la troisième pense partir travailler à l’étranger. L’appartement moderne qu’elle fait construire contraste avec la maison traditionnelle de son père, plus vieille mais aussi plus solide. L’Asie s’américanise2 mais, en retour, le compagnon américain du héros de Garçon d’honneur pratique la langue et la cuisine chinoise mieux que certains immigrés dont c’est pourtant la culture d’origine. Le mariage de Garçon d’honneur illustre bien l’écart entre les deux cultures : il est célébré deux fois, la première à l’occidentale, très rapidement dans une mairie sans apprêts, et une seconde fois lors d’une longue cérémonie festive qui respecte la tradition chinoise.
Dans le roman de Jane Austen et le film qu’en a tiré Ang Lee, le désaccord entre la raison et le sentiment n’a pas lieu entre les parents et les enfants mais au travers de deux sœurs avec une différence d’âge : la jeune ne cache pas ses émotions (« Sa propension au romantisme tend à réduire ses bonnes manières. ») alors que la plus âgée choisit la prudence et la retenue, quitte à en souffrir. Les deux histoires d’amour de Tigre et Dragon se déroulent de la même manière : la première est pleine de non-dits douloureux, inhibée par les conventions (les adultes interprétés par Michelle Yeoh et Chow Yun-Fat) alors que l’autre déborde d’une passion destructrice (les adolescents Zhang Ziyi et Chang Chen). La grande scène d’affrontement entre les deux femmes permet de visualiser par des styles de combat opposés le contraste entre leurs caractères : la précision et la force de Yeoh (qui utilise des armes de plus en plus lourdes) contre l’impétuosité et la souplesse de Zhiyi. L’adulte est meilleure combattante mais la jeune possède une épée magique qui la rend invincible : la jeunesse est maladroite, mais pleine de ressources.
D’ici et d’ailleurs
Ang Lee établit par ailleurs un lien entre le conflit générationnel et la question de l’exil, qui le préoccupe en premier lieu en raison de son propre parcours. Cette réplique de Pushing Hands est explicite : « Les États-Unis, c’est pour les jeunes ». L’expatriation est positive pour les jeunes : en Amérique du Nord, ils font des études, trouvent du travail, et le jeune Chinois de Garçon d’honneur peut vivre pleinement son homosexualité. Pi Patel, qui a grandi en Inde française, mène une vie sereine au Canada. La coupure avec la culture d’origine est plus douloureuse pour les parents. Le vieil homme de Pushing Hands n’est pas à sa place aux États-Unis : il ne parle pas anglais, se perd dans la rue lorsqu’il sort se promener et choisit finalement de vivre à Chinatown, version miniature du pays qu’il a quitté. L’expression même des sentiments change selon la culture : le père conserve son calme quelle que soit la situation alors que son fils, américanisé, et sa belle-fille sont toujours sur les nerfs. Les parents de Chevauchée avec le diable (allemands) et Hôtel Woodstock (juifs russes) ne parviennent pas non plus à comprendre le mode de vie américain et craignent que leurs enfants perdent le lien avec leur culture d’origine. Malgré leur âge avancé, les pères de Pushing Hands et Salé sucré envisagent de se remarier : plus qu’une union amoureuse, il s’agit de faire une alliance, de s’associer avec une femme qui partage la même culture et les même valeurs que soi, pour éviter qu’elles ne se perdent.
Appartenir à un groupe social dont il partage les valeurs est essentielle pour l’individu : la famille, le voisinage (Raison et Sentiments, Ice Storm), l’association (le centre culturel chinois de Pushing Hands, la troupe de théâtre engagée qui se transforme en réseau de résistance dans Lust, Caution)… Le héros d’Hôtel Woodstock se ruine pour maintenir à flot le motel miteux tenu par ses parents : au travers de ce lieu, c’est sa famille dysfonctionnelle qu’il protège de l’éclatement. Alors qu’une foule venue des quatre coins du pays se presse dans l’hôtel pour assister au grand festival de rock, le personnage peut déclarer fièrement : « Je suis d’ici », et se réconcilier avec ses origines.
Les films d’Ang Lee décrivent aussi la difficulté à s’intégrer au groupe en raison de son origine, de son âge ou de ses préférences sexuelles, et le sentiment d’exclusion, voire la perte d’identité qui en découlent. Le héros de Chevauchée avec le diable est pris entre deux cultures, au point d’avoir deux prénoms : il est appelé Jacob par son père d’origine allemande et Jake partout ailleurs, signe de son intégration. Élevé dans le Sud dont il a intégré les valeurs, Jake prend fait et cause contre l’abolition de l’esclavage alors que son père, qui a conservé sa mentalité européenne, défend l’Union. Dans le même film, on observe un autre sentiment d’appartenance paradoxal : celui d’Holt, esclave noir engagé du côté des Sudistes, qui gagne le respect, voire l’amitié de certains Blancs en combattant avec eux au nom des idéaux racistes de son maître.
Les personnages homosexuels, auxquels Ang Lee a consacré trois films (Garçon d’honneur, Le Secret de Brokeback Mountain et Hôtel Woodstock), se trouvent dans une position proche de celle de l’expatrié : malgré leur volonté de s’intégrer, ils restent en marge d’une société dont les codes ne leur correspondent pas, au point de devoir se cacher et mentir pour aimer. Taïwanais vivant à New York et homosexuel, le personnage principal de Garçon d’honneur fait doublement partie d’une minorité.
Les héroïnes d’Ang Lee sont également en marge de la société patriarcale : les sœurs de Raison et Sentiments perdent leur rang social à la mort de leur père et, dans Tigre et Dragon, le personnage de Zhang Ziyi cache ses compétences martiales derrière les manières d’une fille de bonne famille, promise à un homme qu’elle n’aime pas alors qu’elle s’est déjà unie, en secret, à un mauvais garçon. Le réalisateur accorde également toute son attention aux épouses des deux homosexuels du Secret de Brokeback Mountain : l’une profite des évolutions de la société pour s’imposer comme une femme d’affaires indépendante (Anne Hathaway) pendant que l’autre est maintenue à une place humiliante de mère au foyer (Michelle Williams).
En secret
Jeunes, étrangers, femmes, homosexuels : les personnages d’Ang Lee ne font jamais partie du groupe dominant, ce qui entraîne chez eux un sentiment de frustration. Ils refoulent leurs désirs à cause de leur culture, de leur sexe ou de divers traumatismes psychologiques.
La tonalité des films d’Ang Lee va alors dépendre de la façon dont les personnages réagissent à ce malaise, dont ils négocient entre les sentiments et la raison, entre leurs pulsions et les règles sociales qui les encadrent. Dans les drames (Tigre et Dragon, Le Secret de Brokeback Mountain), les personnages cachent leur amour et sont détruits par leurs non-dits. Les films tendent au contraire vers la comédie lorsque les personnages sont capables de « crever l’abcès », de révéler un secret à leur famille (Garçon d’honneur) ou d’assumer une histoire d’amour passée pour entamer une nouvelle relation sur des bases saines (Hugh Grant et Alan Rickman dans Raison et Sentiments). Les deux personnages principaux d’Hôtel Woodstock (un homosexuel étouffé par ses parents et un vétéran traumatisé du Vietnam) se libèrent de leurs frustrations en prenant part à la grande fête du concert ; ils se laissent aller, dansent sous la pluie, plongent dans la boue, profitant enfin de leur liberté. Enfin, dans les films à grand spectacle, la frustration s’exprime par les combats (Tigre et Dragon) et les effets spéciaux : le géant vert de Hulk et le tigre de L’Odyssée de Pi sont l’extériorisation des tourments intérieurs des personnages. L’introverti Bruce Banner se transforme en Hulk lorsqu’il se met en colère et la puissance du tigre symbolise les ressources que Pi Patel a dû trouver en lui-même pour faire face à la mort de ses parents3 ; des forces que les personnages doivent apprivoiser. Dans Lust, Caution, c’est la violence du désir qui fait se fissurer le verni des conventions : dans un milieu policé, la relation entre les deux amants se limite longtemps à des regards discrets et des frôlements (Ang Lee confie le rôle masculin à Tony Leung, interprète fétiche de Wong Kar-waï, qui retrouve l’élégance distante d’In the Mood for love) ; soudain, tout bascule, la belle robe est arrachée et le couple s’ébat avec une grande violence. La frustration se renverse en jouissance.
Ce sentiment de frustration est tellement important pour Ang Lee qu’il l’a lui-même incarné à deux reprises : dans Garçon d’honneur, le réalisateur apparaît parmi les convives du banquet et prononce la réplique clé du film (que l’on retrouve en haut de l’affiche française) : « Vous assistez au résultat de 5000 ans de répression sexuelle. » Dans Hulk, la technologie de la capture de mouvement permet à Ang Lee d’interpréter lui-même le monstre, d’incarner le refoulé du héros.
En équilibre
Le rejet de la famille, de ses traditions et ses conventions, peut être violent mais, dans la plupart de ses films, Ang Lee cherche plutôt l’apaisement. Les familles en crise sont réunies (Salé sucré, Hôtel Woodstock), au prix parfois d’un grand sacrifice (Ice Storm). Le Secret de Brokeback Mountain s’achève sur la réconciliation d’une jeune femme avec son père gay. Lorsque les personnages sont orphelins, ils finissent par fonder leur propre famille, recréer autour d’eux une communauté heureuse (Raison et Sentiments, Chevauchée avec le diable, L’Odyssée de Pi). Dans les trois premiers films du réalisateur, la contestation du patriarcat n’est qu’apparente : la figure paternelle y est critiquée, affaiblie (le père est cardiaque dans Garçon d’honneur, perd le sens du goût dans Salé sucré), mais seulement de façon temporaire puisqu’il fait finalement preuve d’un bon sens inattendu et parvient à réunir autour de lui une famille qui commençait à se décomposer. En butte aux évolutions des mœurs, le père, gardien de la tradition, retrouve sa place centrale, équilibrant le conflit entre tradition et modernité. Cette recherche du consensus conduit le cinéaste à proposer à la fin de Garçon d’honneur une forme inédite de famille mixte, tant par ses origines (sino-américaine) que par sa sexualité (homos et hétéros réunis sous le même toit). On assiste de même, dans Hôtel Woodstock au surprenant rapprochement entre de vieux paysans et les hippies installés sur leurs terres.
Cinéaste multiculturel, Ang Lee s’est comme ses personnages adapté à la culture américaine, mais sans se faire assimiler (il a la nationalité chinoise et ses succès à Hollywood ne l’ont pas convaincu d’en changer). Les problématiques familiales et culturelles de ses films ne sont pas chinoises ou américaines, elles sont universelles. Le traitement qu’en propose le cinéaste nous paraît par contre bien asiatique, proche du Tai-chi que pratique le personnage principal de son premier film : dans le Tai-chi, il n’est pas question de force (de conflit) mais de souplesse (d’adaptation). Il faut trouver un équilibre entre des forces contraires, qui peuvent prendre la forme de deux cultures, des membres d’un couple, ou d’une famille.
Sylvain Angiboust
1. Le prochain film d’Ang Lee, attendu pour fin 2016, est l’adaptation du roman Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn, de Ben Fountain, qui narre de façon ironique, le retour aux États-Unis de très jeunes soldats de la guerre en Irak. Comme Jake dans Chevauchée avec le diable, Billy Lynn est un vétéran à 19 ans.
2. Reconstitution extrêmement précise du Shanghai des années 1940, Lust, Caution met également en lumière la dimension multiculturelle de la ville : les Chinois cohabitent avec l’envahisseur japonais, on parle anglais dans des cafés à l’occidentale, on croise des Russes blancs immigrés et un bijoutier indien.
3. Pour d’évidentes raisons pratiques, le tigre de L’Odyssée de Pi a été généré par ordinateur. L’effet spécial est invisible mais a une forte signification : comme on le découvre à la fin du film, le tigre n’existe pas, il est une projection mentale de Pi, qui a en réalité voyagé seul. L’utilisation d’un animal virtuel plutôt que d’un authentique tigre renforce ce caractère chimérique (la première apparition du tigre dans le film est par son reflet, une image de la réalité plutôt que la réalité elle-même).