Critique

Publié le 16 octobre, 2024 | par @avscci

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Miséricorde d’Alain Guiraudie

De retour dans le village où il a débuté pour les obsèques du boulanger qui lui a mis la main à la pâte, un jeune homme (Félix Kysyl) s’attarde, au point de nouer d’étranges relations avec certains autochtones. Un point de départ minimaliste pour une comédie de caractères comme les affectionne le réalisateur facétieux de L’Inconnu du lac (2013). Son personnage principal est une fois de plus celui par qui le scandale arrive, en l’occurrence un héritier assez énigmatique du Terence Stamp de Théorème (1968) de Pier Paolo Pasolini qui excelle dans l’art délicat de profiter des points faibles des autres, sans jamais se laisser dicter sa conduite ni même apprivoiser. Que ce soit par l’épouse consolable de son ex-patron que campe Catherine Frot, un curé dénué de scrupules lorsqu’il s’agit d’assouvir ses pulsions charnelles (Jacques Develay) ou un faux dur en proie à des fantasmes qui le dépassent (Jean-Baptiste Durand, le réalisateur de Chien de la casse). Sur un sujet qui aurait pu prêter à un drame psychologique dense ou à un marivaudage léger, Guiraudie choisit la tangente et pose un regard singulier sur des protagonistes perturbés par l’irruption d’un jeune homme dépourvu de scrupules qui a la particularité d’avancer sans se poser de questions et de mettre les questions de morale entre parenthèses pour assouvir ses désirs les plus intimes en faisant abstraction du qu’en dira-t-on. Pour que le sexe soit libre et exulte. Guiraudie réussit une fois de plus à faire bouger les lignes en relevant la guimauve de piment fort dans cette comédie de caractères réglée comme un théâtre d’ombres.

Jean-Philippe Guerand

Film franco-hispano-portugais d’Alain Guiraudie (2024), avec Félix Kysyl, Catherine Frot, Jean-Baptiste Durand, Jacques Develay. 1h43.




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