Mikado de Baya Kasmi
Mikado, de Baya Kasmi, sort en salle une semaine avant Le Mélange des genres, de Michel Leclerc. Hasard du calendrier ? En tous cas la preuve de la vivacité de ce couple de cinéma qui n’a de cesse de poser des questions identitaires parmi les plus brulantes avec une légèreté et une grâce qui désamorcent les tensions. Mikado brosse le portrait d’un homme issu de la DDASS (Félix Moati, vibrant) en délicatesse avec les codes sociaux habituels. Il vit dans une caravane avec sa douce et tendre et leurs deux enfants qui n’ont jamais été scolarisés. Un peu comme le personnage porté par Mathieu Kassovitz dans Vie sauvage, le film de Cédric Kahn. Mais la marge finit un jour ou l’autre par se faire recadrer et l’administration peut en l’occurrence ne pas y aller avec le dos de la cuillère. Si dans l’ensemble Baya Kasmi a tendance instiller beaucoup de fantaisie dans ses films, le rire (ou le sourire) ayant au fond toutes les vertus du monde, il semble qu’elle a fait cette fois-ci un pas de côté. Non pas que Mikado soit désespéré (et encore moins désespérant) mais les personnages ne s’en sortent pas sur une boutade. Peut-être est-ce une façon de nous impliquer davantage, de nous faire partager un peu mieux ses questions sur la façon dont la vie en société est conciliable avec nos aspirations fondamentales. Mais plutôt que de multiplier les scènes qui déboucheraient sur une dissertation (on relève les copies à la fin du film), Baya a choisi de laisser à son récit une liberté narrative (reflet de celle de ses personnages) que nous accueillons comme un bol d’air. L’occasion de vibrer avec chaque soupir, chaque sourire prodigués par des personnages dont on ne peut que tomber amoureux. Un régal…
Yves Alion
Film français de Baya Kasmi (2025), avec Félix Moati, Vimala Pons, Ramzy Bédia. 1h34.