Critique

Publié le 2 juillet, 2024 | par @avscci

0

Matria

Ramona est une femme en colère qui vit dans un village de pêcheurs de Galice. Alors quand l’ouvrière ose se révolter contre les baisses de salaires drastiques appliquées dans son usine, elle est licenciée et doit se lancer dans une spirale infernale de petits métiers et d’emplois précaires afin de pouvoir subvenir à ses besoins et réussir à élever dignement sa fille sans dépendre d’un homme. Face au défi physique que représentait ce rôle écrasant, Álvaro Gago a choisi une nature dont la hargne semble vissée au corps : María Vázquez à qui sa composition a valu plusieurs récompenses. Dès lors, la mise en scène décide de ne faire qu’un avec cette femme pressée dont on comprend que tout arrêt risque d’impliquer la chute, mais réussit tout de même à ralentir sans trop de dommages. Il y a chez elle davantage du refus de se soumettre de Laure Calamy dans À plein temps (2021) d’Éric Gravel que du dévouement d’Anna Magnani en mère courage dans Bellissima (1951) de Luchino Visconti, par exemple. Matria est un film profondément ancré en Galice, et même dialogué dans cette langue, parti pris qui pointe une particularité à la fois régionaliste et traditionnelle de l’Espagne. D’où la puissance de cette égérie à laquelle s’attache le film à travers son titre qui est la déclinaison au féminin du mot “patrie” dans la Galice, cette communauté autonome du Nord-ouest de l’Espagne frappée par la désindustrialisation à l’orée de notre millénaire, mais réputée pour être la terre des femmes qui a réussi à sauvegarder sa culture et sa langue.

Jean-Philippe Guerand

Film espagnol d’Álvaro Gago (2023), avec María Vázquez, Santi Prego, Soraya Luaces, Tatan. 1h39.




Back to Top ↑