Critique

Publié le 23 juin, 2024 | par @avscci

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Maria de Jessica Palud

“Vous êtes comme une page blanche”, dit Bernardo Bertolucci à Maria Schneider lors de leur première rencontre. Une simple phrase qui suffit à témoigner de l’aspect éminemment problématique de la relation que le cinéaste entretiendra avec son actrice, et qui semble pouvoir s’appliquer à bien d’autres situations du même type. La comédienne comme une page blanche sur laquelle il est possible de projeter ses moindres désirs, ou comme une matière malléable au service des fantasmes du créateur : on connaît la chanson. Jessica Pallud ne s’attarde guère sur le refrain, pour mieux en creuser les conséquences concrètes et vertigineuses sur la vie de l’une des actrices devenues emblématiques de cette emprise revendiquée par certains cinéastes sur leurs interprètes – jusqu’à aujourd’hui. Dans un style assez réaliste qui privilégie les gros plans et recourt beaucoup à l’ellipse, la réalisatrice montre le malaise grandissant de son héroïne (nue dans une baignoire face une équipe qui ne se préoccupe pas de la protéger entre les prises, par exemple), jusqu’au tournage de la fameuse scène de viol qui la laisse humiliée et choquée. Elle documente ensuite son naufrage, contrainte de faire face, seule, aux répercussions de cette séquence, et noyant sa douleur dans la drogue. Mais si c’est le traumatisme qui l’intéresse, elle évite soigneusement tout misérabilisme, faisant de son personnage non pas un symbole de victime, mais au contraire une battante qui, aussi brisée qu’elle ait été, a continué à se battre toute sa vie pour ses droits de femme et de comédienne.

Marie-Pauline Mollaret

Film français de Jessica Palud (2024) avec Anamaria Vartolomei, Matt Dillon, Yvan Attal, Marie Gillain, Giuseppe Maggio, Céleste Brunnquell. 1h40.




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