Critique

Publié le 5 janvier, 2025 | par @avscci

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Maja, une épopée finlandaise de Tiina Lymi

Le cinéma européen a perdu le goût des fresques. Sans doute parce que la télévision s’en est emparée pour en extraire des séries à rallonge. Maja, une épopée finlandaise est une exception venue de Scandinavie qui nous plonge dans un univers lointain et pourtant assez proche, coupé du reste du monde par son climat rigoureux. Sur un îlot isolé, une femme mariée à un pêcheur va découvrir le goût de la liberté et l’inculquer à ses enfants, à l’écart des normes en usage au XIX e siècle. La réalisatrice Tiina Lymi a puisé l’inspiration de cette superproduction tournée en trois langues dans les îles Åland parmi un cycle romanesque publié par sa compatriote Anni Blomqvist dans les années 60. C’est la modernité anachronique de son égérie qui lui confère son caractère exceptionnel dans un cadre conjugal très atypique, même pour son époque, puisque les époux jouissent de la parité et élèvent leurs enfants dans cet esprit. Jusqu’au moment où un conflit lointain entraîne le débarquement dans leur paradis glacé d’une escouade de soldats étrangers formatés par le patriarcat. Le film utilise son souffle romanesque pour proposer une réflexion sur le fonctionnement même d’une société archaïque régie par le droit du plus fort. Maja, une épopée finlandaise s’inscrit dans une tradition littéraire et cinématographique qui va des Hauts de hurlevent aux Deux Anglaises et le continent (1971) par la puissance motrice de son personnage féminin et une mise en scène intemporelle de l’amour fou qui s’abstrait de la moindre tentative de peinture sociale. C’est même ce qui lui confère sa singularité.

Jean-Philippe Guerand

Myrskyluodon Maija. Film finlandais de Tiina Lymi (2024), avec Amanda Jansson, Linus Troedsson, Jonna Järnefelt. 2h44.




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