Publié le 5 novembre, 2024 | par @avscci
0L’ombre du commandant de Daniela Völker
Ce documentaire produit par la chaîne HBO n’aurait sans doute pas trouvé le chemin des salles obscures sans le retentissement de La Zone d’intérêt. Il s’attache en effet au fameux commandant d’Auschwitz, Rudof Höss, exécuté par pendaison en 1947, à travers le témoignage d’un de ses cinq enfants, un fils qui a l’âge d’être grand-père mais n’a que peu de souvenirs de ce voisinage caché avec l’enfer. Simultanément, Daniela Völker s’attache à une rescapée du camp et à ses rapports difficiles avec sa propre fille à laquelle elle n’a jamais parlé de son martyre. Jusqu’au moment où la réalisatrice entreprend de mettre en contact la victime et sa fille avec le fils et le petit-fils du bourreau en jouant la carte de la résilience salvatrice pour permettre à ces héritiers malgré eux d’accomplir un travail salubre en intégrant ce passé douloureux. Il est avéré qu’au retour des camps, les survivants se sont résolus à reprendre leur vie sans se décharger de leur mémoire tatouée sur leurs proches. Un phénomène qui affleure dans le film à travers les rapports compliqués qu’entretient Anita Lasker-Wallfisch avec sa fille Maya. Le petit-fils de Höss, symboliquement devenu pasteur, lui, choisit de confronter son propre père à des souvenirs d’enfance qui ne constituent que la face trompeuse d’une des pires abominations de la Shoah. Malgré une construction qui jette un doute quant à la spontanéité de certaines confrontations et des mots qui s’y échangent, ce film s’impose par la nécessité qui le sous-tend. Résultat : un devoir de mémoire utile, mais parfois gâché par ses artifices de fabrication.
Jean-Philippe Guerand
The Commandant’s Shadow. Film documentaire américano-israélo-polono- britanno-allemand de Daniela Völker (2024), avec Anita Lasker-Wallfisch, Brigitte Höss, Hans-Jürgen Höss. 1h47.