Critique

Publié le 7 janvier, 2025 | par @avscci

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Les Feux sauvages de Jia Zhangke

Le dernier film du maître du cinéma chinois, Jia Zhangke, avait témoigné d’une forme malvenue de normalisation, épousant peut-être le nouveau statut de cinéaste officiel, parfaitement adapté au régime et même député de l’assemblée chinoise, de l’artiste. Heureusement, avec Les Feux sauvages, son cinéma ressurgit, dans un mouvement qui tient à la fois du retour en arrière (dans tous les sens possibles) et de la marche en avant. Volontairement épurée, la trame tient en quelques lignes : ils s’aiment, il part en ville et disparaît, elle le cherche pendant des années, vint années de quête, de traversée de la Chine, avant des retrouvailles mineures, décevantes. Pour l’occasion, le metteur en scène pousse plus loin ce croisement entre le document et la fiction qui avait fait de lui le meilleur chroniquer de la Chine des années 2000. Et c’est précisément à cette époque que démarre le récit, alimenté par des images alors capturées en vidéo par le cinéaste, conservées et enrichies pendant deux décennies. Ainsi, Jia retrouve très littéralement l’origine de son art, cette captation d’un pays en plein bouleversement, dans une ouverture économique violente, instoppable. L’héroïne, personnage de fiction en quête d’un amour abstrait et de plus en plus coupé de la réalité de l’homme censé l’incarner, traverse donc les époques, les lieux, en soldat et observateur du nouveau capitalisme particulier qui s’empare et transformer la Chine. Les images vidéo du passé se mêlent à la reconstitution, et le long métrage en entier devient une étrange machine temporelle, reproduction à la fois réelle et romancée de la société chinoise moderne. Car c’est bien ce que nous livre le réalisateur, à travers des scènes de fêtes, de ventes ou de rassemblement publics : le portrait impressionniste d’un pays qui découvre la consommation, l’argent, la pauvreté, les paillètes et leurs conséquences.

Pierre-Simon Gutman

Feng Liu Yi Dai. Film chinois de Jia Zhangke (2024), avec Zhao Tao, Zhubin Li, Jianlin Pan. 1h51.




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