Critique

Publié le 2 juillet, 2024 | par @avscci

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Les Fantômes de Jonathan Millet

Présenté en ouverture de la dernière Semaine de la critique cannoise, Les Fantômes adopte le point de vue d’un jeune Syrien chargé de confondre celui qui fut son bourreau et vit désormais en exil. Une traque méticuleuse menée avec autant de prudence que de ténacité où l’intime conviction se doit d’être attestée par des faits objectifs. Jonathan Millet prend résolument le contre-pied du cinéma d’espionnage anglo-saxon et de la tradition incarnée par l’écrivain John Le Carré. Il s’attache au contraire au côté obscur de cette activité qui s’exerce ici dans la solitude et la clandestinité d’une cellule chargée de débusquer des criminels de guerre réfugiés en Europe. Révélé au cinéma dans Harka, Adam Bessa s’impose par son jeu intériorisé qui cadre idéalement avec son souci de se noyer dans la foule pour voir sans être vu et de confondre un personnage qui est son double inversé. Un jeu d’ombres réglé avec maestria par une mise en scène discrète qui adopte le regard de cet agent secret incognito. Jonathan Millet nous donne à partager ses cas de conscience et ses doutes lourds de conséquences qui reposent sur la vulnérabilité propre à la perception humaine. Il épouse le rythme de son anti-héros en suivant cette routine fastidieuse et répétitive qui vise à accumuler des indices minuscules pour en extraire un mince faisceau de preuves. Le pari du film repose sur cette routine qui conduit le réalisateur à cadrer “la cible” à distance, en ne nous révélant son visage que petit à petit, lorsque son chasseur s’en approche. Avec ce doute obsessionnel qui planera jusqu’à la dernière image.

Jean-Philippe Guerand

Film franco-germano-belge de Jonathan Millet (2024), avec Adam Bessa, Tawfeek Barhom, Julia Franz Richter. 1h46.




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