Les Enfants des autres de Rebecca Zlotowski

L’histoire au cœur des Enfants des autres est si ténue, presque programmatique par rapport à son titre, qu’elle en apparaît au premier abord d’une évidence scénaristique un peu balisée. Cette femme de 40 ans qui se découvre soudainement un désir d’enfants et investit avec tendresse et spontanéité son rôle auprès de la fille de son nouveau compagnon, on devine très vite quelle sera sa trajectoire – et ses désillusions. Mais c’est peut-être cette fatalité tranquille qui éclaire de l’intérieur le cinquième très beau long métrage de Rebecca Zlotowski, en désamorçant toute idée de suspense dramatique pour ne garder que la fluctuation des sentiments : cette “banalité” qu’elle revendique devant un sujet qui en est rarement un, généralement évacué derrière les affres des passions amoureuses et/ou les parcours du combattant pour devenir mère. Qu’advient-il des liens tissés avec un enfant qui n’est pas le sien ? Ils se désagrègent, voilà tout, et ce n’est évidemment pas tant ce constat qui intéresse la réalisatrice, que les infinies nuances d’émotions (l’amour pour un enfant avec lequel on n’a aucun lien “officiel”, la douleur d’en être séparé brutalement) qui n’ont pas de nom, pas d’existence sociale, et pourtant une consistance indéniable. Le film capte par petites bribes aussi justes que subtiles le piège qui se referme sur son personnage principal, brillamment interprété par Virginie Efira, et revendique avec beaucoup de pudeur une sororité qui refuse l’éternelle rivalité féminine pour résister à la lâcheté des hommes.

Marie-Pauline Mollaret

Film français de Rebecca Zlotowski (2022), avec Virginie Efira, Roschdy Zem, Chiara Mastroianni, Callie Ferreira-Goncalves. 1 h 43.