Le Torrent d’Anne Le Ny

C’est déjà le sixième long métrage d’Anne Le Ny derrière la caméra, pour qui la mise en scène semble être devenu une nécessité vitale, sans qu’elle ait pour autant renoncé à jouer la comédie. Pour preuve le rôle (secondaire mais fort) de la policière qui mène ici l’enquête… Le Torrent n’est sans doute pas à la hauteur (impressionnante) de ses deux premiers films : Ceux qui restent était le lieu d’une émotion palpable mais jamais surlignée, Les Invités de mon père, celui d’une ironie mordante qui nous tirait moults sourires, parfois malaisants. Le Torrent est sans doute tout en finesse, et même en délicatesse, mais dépourvu de cette ambiguïté qui faisait le sel des films précédents. C’est néanmoins un film prenant, basé sur une intrigue policière qui débouche rapidement sur des enjeux plus larges, celles des relations entre les personnages. Le point de départ est la mort d’une femme que l’on sait accidentelle, mais dont il n’est pas déraisonnable d’imaginer quand on ne le sait pas qu’il s’agit d’un meurtre. S’ensuit toute une série de mensonges et de demi-vérités qui mettent à nu les relations entre le mari (dont on sait qu’il était cocu), sa fille (d’un précédent lit) et ses beaux-parents (qui bien évidemment sont ravagés par la douleur). Ce qui nous vaut quelques scènes d’anthologie entre José Garcia (qui après Le Couperet nous confirme qu’il est aussi à l’aise dans le drame que dans la franche rigolade), André Dussolier (dont le sourire se transforme vite en rictus) et la jeune Capucine Valmary, dont nous entendrons certainement parler de nouveau. Le décor alpin a également bien du talent, Anne le Ny ayant su mettre en avant toutes ses contradictions, à la fois monumental, superbe et mystérieux, voire angoissant. Le seul bémol au final est sans doute que le film manque parfois un peu de rythme (il est vrai que ce n’est pas réellement un thriller), et qu’il ne coule pas violemment à l’image de ce torrent voisin, dépositaire des secrets de l’affaire, et qui s’en fiche…

Yves Alion

Film français d’Anne Le Ny (2022), avec José Garcia, André Dussollier, Capucine Valmary. 1h42.