Publié le 16 janvier, 2025 | par @avscci
0Le Dossier Maldoror de Fabrice du Welz
La perspective de voir évoquée à l’écran l’affaire Dutroux n’est pas franchement une promesse très attrayante. Pour avoir manifesté à travers ses films une attirance pour des sujets souvent scabreux, le réalisateur belge Fabrice du Welz semblait tout indiqué pour se frotter à un tel défi. Le nom de code de cette enquête se réfère d’ailleurs aux Chants de Maldoror écrits sous le pseudonyme de Lautréamont par Isidore Ducasse, un ouvrage poétique dominé par une figure démoniaque assimilée ici à un tueur vicieux et insaisissable. Dès lors, cette ténébreuse affaire déclenchée par la disparition de deux jeunes filles devient pour un jeune fonctionnaire zélé une croisade obsessionnelle dont ne pourra le libérer que la vérité ultime. Ce personnage incarné par l’excellent Anthony Bajon comprend que le profil atypique du criminel qu’il doit traquer implique de l’affronter sur un mode alternatif, Sergi López et Laurent Lucas incarnant deux visages symétriques du vice. Avec ce contexte des années 90 en Belgique qui change tout, dans la mesure où la police communale, la police judiciaire et la gendarmerie nationale se sont livrées à une véritable guerre fratricide qui a eu pour conséquence de laisser le crime prospérer en freinant la résolution de certaines affaires. Un contexte troublé qui inspire au réalisateur de Calvaire (2004) et Inexorable (2022) une quête labyrinthique noyée dans la lumière de Manu Dacosse et l’ancienne cité minière de Charleroi. Au-delà de son aspect glauque et gluant, ce film crépusculaire décrit un monde déshumanisé où plus rien ne distingue vraiment le bien du mal.
Jean-Philippe Guerand
Film belgo-français de Fabrice du Welz (2024), avec Anthony Bajon, Alba Gaia Bellugi, Alexis Manenti, Sergi López, Laurent Lucas. 2h35.