Critique

Publié le 26 octobre, 2024 | par @avscci

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L’Affaire Nevenka d’Icíar Bollaín

Il est des sujets qui n’en auraient pas été il y a une ou deux décennies. Parce que ni le harcèlement de rue ni le droit de cuissage n’étaient encore des délits reconnus par la société patriarcale. Il faut donc s’imprégner de l’état d’esprit qui régnait à la fin du deuxième millénaire pour apprécier le nouveau film de la cinéaste espagnole Icíar Bollaín, réputée pour ses œuvres engagées dont certaines écrites avec son mari Paul Laverty, le scénariste de Ken Loach. Elle relate cette fois l’histoire presque banale d’une jeune conseillère municipale qui tombe sous la coupe d’un maire machiste et dominateur. Une emprise toxique dont elle ne parviendra à se dégager qu’en portant en justice cette affaire qui fera jurisprudence en Espagne bien avant l’émergence du mouvement #Metoo. La réalisatrice adopte le point de vue de la victime en décortiquant cette mécanique implacable qui dépossède peu à peu la victime de son libre-arbitre et met en scène des faits anodins pour montrer la prison intérieure dans laquelle elle se fait enfermer sous l’effet de conventions sociales extrêmement répandues. À cette époque pas si lointaine où les femmes n’occupaient que des fonctions subalternes, la situation que décrit L’Affaire Nevenka est celle de ces innombrables secrétaires, assistantes, serveuses, infirmières et autres employées corvéables à merci priées de tout accepter et de se taire pour conserver leurs fonctions sans déplaire à leur patron. La composition de la comédienne Mireia Oriol apparaît magistrale de vérité dans son implacable descente aux enfers où elle se laisse déposséder d’elle-même.

Jean-Philippe Guerand

Soy Nevenka. Film hispano-italien d’Icíar Bollaín (2024), avec Mireia Oriol, Urko Olazabal, Ricardo Gómez, Carlos Serrano 1h50.




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