Critique

Publié le 27 février, 2025 | par @avscci

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La Vie devant moi de Nils Tavernier

Ce ne sont pas les films sur l’Occupation qui manquent, mais rares sont ceux qui se sont attachés à reconstituer la vie quotidienne de Paris à cette époque où les Allemands avaient interdit toute prise de vues sur la voie publique, que ce soit à l’aide d’un appareil photo ou d’une caméra. Au point que les seuls témoignages attestant de la situation sont des reportages d’actualité projetés dans les salles de cinéma après être passés au crible de la censure et relevant pour la plupart de la propagande du Reich et de l’État français. Des œuvres aussi disparates que L’Armée des ombres (1969), Section spéciale (1975), Monsieur Klein (1976), Le Dernier Métro (1980), De guerre lasse (1987), Laissez-passer (2002), L’Armée du crime (2009) ou La Rafle (2010) n’en ont toutefois saisi que quelques fragments fugaces. Autres tentatives ponctuelles de suppléer aux images manquantes par la reconstitution de l’air du temps en guise de madeleine au goût amer : La Traversée de Paris (1956), Le Bon et les Méchants (1976), Natalia (1989), Monsieur Batignole (2002) et surtout pour la thématique de l’enfermement Les Murs porteurs (2008), Elle s’appelait Sarah (2010) et Adieu Monsieur Haffmann (2022). Autant d’impressions fugitives qui ne constituent qu’un kaléidoscope de la vie véritable d’une époque étouffée dont l’écrivain Patrick Modiano a restitué mieux que quiconque l’atmosphère délétère… sans l’avoir lui-même vécue. La Vie devant moi (bien mauvais titre qui semble chercher à établir une vaine connivence avec le roman d’Émile Ajar) s’attache au destin d’une famille juive qui a échappé à la Rafle du Vel d’Hiv’ et restera cachée dans une chambre de bonne de son immeuble de 1942 à la Libération pour échapper à la déportation. Des gens ordinaires qui ne sont ni des collabos (et pour cause…) ni des résistants. Nils Tavernier s’appuie sur le témoignage authentique de Tauba Zylbersztejn recueilli par l’équipe de Steven Spielberg dans le cadre de la Fondation des archives de l’histoire audiovisuelle des survivants de la Shoah pour reconstituer méticuleusement ce quotidien répétitif constitué de détails minuscules et réussit à se tenir à ce postulat ténu et anti-spectaculaire. Son personnage principal est une adolescente qui va passer à côté des plus belles années de sa vie tout en gardant la tête haute pour protéger ses parents dans un espace confiné, grâce à la bienveillance d’une voisine généreuse. Cette histoire vraie ressemble sans doute à quelques autres dont les protagonistes ne sont pas des héros, juste des gens presque comme les autres. Elle montre avec une grande vraisemblance ce à quoi pouvait ressembler la vie quotidienne dans une ville sous cloche focalisée sur la suspicion et les tickets de rationnement. L’inconvénient d’un tel postulat réside dans sa thématique de la réclusion qui confère au moindre détail une importance démesurée, avec pour unique morceau de bravoure l’obsession de rester invisible. Nils Tavernier en joue habilement avec le concours de plusieurs acteurs de la Comédie Française, à commencer par les parents qu’incarnent Guillaume Gallienne et la trop rare Adeline d’Hermy au phrasé si particulier. Le rôle principal est tenu par Violette Guillon, une comédienne singulière découverte dans les comédies altruistes de Gabriel Julien- Laferrière. Elle s’y révèle impeccable.

Jean-Philippe Guerand

Film français de Nils Tavernier (2024), avec Violette Guillon, Guillaume Galienne, Adeline d’Hermy, Sandrine Bonnaire. 1h31.




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