La Campagne de France de Sylvain Desclous

L’approche des élections présidentielles nous vaut un afflux de films politiques, avec une nette prédilection en faveur des documentaires en immersion. Dans Municipale de Thomas Paulot, c’était un comédien professionnel qui venait jouer les trouble-fêtes en tant que candidat surprise. Dans La Campagne de France, c’est un enfant du pays revenu de la grande ville, Mathieu, qui tente de séduire ses ex-concitoyens de Preuilly-sur-Claise. La succession du maire sortant est déclarée ouverte, mais celui-ci entend bien continuer à tirer les ficelles de la municipalité avec sa garde rapprochée. Affleurent les réactions épidermiques des électeurs cramponnés à des réflexes d’un autre âge : il n’est pas d’ici (Mathieu est parti à la fin de ses études), il est trop jeune (il a tout de même 38 ans) et doit séduire les habitants un à un. Par ailleurs, le candidat a choisi pour directeur de campagne un vieux beau en coupé Mercedes qui cristallise les passions locales par ses extravagances d’Iznogoud local. Sylvain Desclous recycle les codes du documentaire pour esquisser les contours d’une province immuable, en s’attachant au plus improbable des candidats, un candide dont le look improbable et les cheveux trop longs détonnent dans le paysage local. Un citadin en immersion chez les ruraux qui a du mal à se faire entendre et compte sur son comparse local pour réussir sa greffe. C’est de ses protagonistes pittoresques mais parfois désarmants de sincérité que La Campagne de France tire son originalité nourrie de rebondissements pour le moins inattendus qu’aucun scénariste n’aurait pu imaginer.

Jean-Philippe Guerand

Film documentaire français de Sylvain Desclous (2021) 1h38.