La Cache de Lionel Baier
Le talent est parfois contagieux. Chez les Boltanski par exemple. La famille compte en effet un artiste plasticien mondialement reconnu, Christian, un linguiste éminent, Jean-Elie (frère du premier) et un romancier à succès, Christophe (neveu des deux premiers). Ce dernier est signataire d’un roman familial et autobiographique, lauréat du Prix Fémina : La Cache. Dont le film de Lionel Baier est l’adaptation. Une adaptation toute en finesse qui nous entraîne au cœur de cette famille haute en couleurs, anticonformiste et dont le cœur penche nettement à gauche. Comme l’action se déroule pendant mai 68, nombre de scènes mettent en lumière les échanges d’idées et le bouleversement des mœurs suscités par le joli mois de mai. Parfois avec une belle ironie d’ailleurs. Par exemple quand la mère de famille va à la rencontre de la classe ouvrière, qui ne comprend rien à son charabia. La scène n’est pas sans évoquer la croustillante scène de la représentation théâtrale d’avant-garde sur un chantier dans Mes meilleurs copains (de Jean-Marie Poiré). Mais cette évocation nostalgique de 68 cache un autre récit, en sous-sol si l’on ose dire, qui lui raconte la période de la guerre, quand le pater familias a dû se cacher sous le plancher de l’appartement pour échapper aux nazis (c’est le second film en l’espace de quelques semaines qui aborde le sujet, après La Vie devant moi, de Nils Tavernier). Autant dire que la fantaisie naturelle et bienveillante du film se double d’une belle émotion. Emotion décuplée par le fait que ce superbe personnage est incarné par Michel Blanc, qui nous adresse ainsi au passage un remarquable salut posthume.
Yves Alion
Film français de Lionel Baier (2025), avec Michel Blanc, William Lebghil, Dominique Reymond. 1h30.