Critique

Publié le 29 juin, 2024 | par @avscci

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In water de Hong Sang-soo

Hong Sang-soo s’est imposé depuis longtemps comme le cinéaste du flou : le flou des sentiments, des émotions, des relations humaines. Toujours friand de nouvelles expérimentations, il propose avec In Water un film dans lequel ce n’est plus seulement l’existence des protagonistes qui manque de netteté, mais l’image elle-même. Le concept, qui a fait croire à certains spectateurs à un défaut de projection, va au-delà du simple gadget, tant il incarne formellement l’état d’esprit du personnage principal, un apprenti cinéaste dévasté par une rupture amoureuse, qui veut tourner un film autoproduit dans une petite ville de bord de mer, mais sans en avoir encore le scénario. Ce qu’il cherche, ce n’est ni la gloire ni la fortune, mais “l’honneur”, et sans doute plus encore la nécessité de découvrir la vérité sur lui-même : a-t-il ce qu’il faut pour devenir cinéaste ? Comme toujours chez le réalisateur sud-coréen, le récit passe par de longues conversations filmées en plans fixes (toutefois sans son mouvement de caméra préféré, le zoom avant) durant lesquelles les personnages se livrent parfois très intimement entre deux conversations triviales. C’est cette alternance fragile qui permet une nouvelle fois à la magie de se produire : d’abord déconcerté, voire agacé par la répétition des motifs propres au cinéma de Hong Sang-soo, le spectateur se laisse peu à peu saisir par la justesse avec laquelle le réalisateur retranscrit à l’écran les aléas multiples et hétéroclites de la vie. Plus l’image est floue, plus les émotions semblent d’une précision absolue, en parfaite résonance avec les nôtres. Comme si, contraint de se fier à d’autres sens, notre esprit devenait soudain plus clairvoyant et sensible.

Marie-Pauline Mollaret

Mul-an-e-seo. Film coréen de Hong Sang-soo (2023), avec Shin Seokho, Ha Seong Guk, Kim Seung-yun. 1h01.




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