I am your man de Maria Schrader

Dans un avenir assez proche, une scientifique célibataire accepte de se soumettre à une expérience singulière : partager la vie de Tom, un prototype de robot à visage masculin programmé pour remplir la fonction ardue de compagnon idéal. Dans un monde qui en relègue les rapports sentimentaux à la portion congrue, sous l’effet des réseaux sociaux, I’m Your Man propose une solution alternative séduisante, en réfléchissant sur la notion même d’engagement, à une époque où l’instinct grégaire de notre espèce n’a jamais autant généré de solitude et de repli sur soi. Avec à la clé la promesse d’un bonheur sans engagement donc dénué de risques et de désillusions. Jusqu’au moment où survient un imprévu, plutôt de nature à nous rassurer sur notre capacité à nous tromper. C’est cette marge d’erreur qu’explore Maria Schrader dans I’m Your Man, sous la forme d’une fable moderne. Cette comédie sentimentale baignée d’amertume évoque un film aujourd’hui oublié qui en recelait les germes : Et la femme créa l’homme parfait (1987), de Susan Seidelman. L’artifice technologique n’y est qu’un prétexte à une réflexion plus vaste sur la solitude de l’individu égaré parmi une foule anonyme, tel qu’aurait pu la croquer Sempé. La mise en scène se garde de tout lyrisme artificiel et l’interprétation confine à une retenue qui sert parfaitement le propos, à travers le jeu épuré à l’extrême de ses interprètes féminines Maren Eggert et Sandra Hüller. I’m Your Man distille une vision accablante d’une humanité en voie de désincarnation et renouvelle le concept même de comédie sentimentale si cher au cinéma.

Jean-Philippe Guerand

Ich bin dein Mensch. Film allemand de Maria Schrader (2021), avec Maren Eggert, Dan Stevens, Sandra Hüller, Hans Löw 1h45.