Critique

Publié le 29 décembre, 2024 | par @avscci

0

Ernest Cole, photographe de Raoul Peck

C’est en 2017, à la faveur de la découverte de soixante mille négatifs entreposés dans une banque suédoise, qu’a émergé un photographe sud-africain oublié qui avait pourtant connu une gloire éphémère tout juste un demi-siècle plus tôt en publiant un album témoignant de l’apartheid, La maison des servitudes. Âgé de seulement 27 ans, Ernest Cole avait alors choisi le chemin de l’exil, d’abord aux États-Unis, ensuite en Europe. Un destin d’éternel vagabond (jusqu’à sa mort prématurée à l’approche de son cinquantième anniversaire) que retrace aujourd’hui le cinéaste haïtien Raoul Peck. Fidèle à une méthode qu’il a affinée au fil de son œuvre et tout particulièrement à travers ses documentaires, à l’instar de celui qu’il a consacré à l’écrivain américain James Baldwin, I Am Not Your Negro (2016). L’œuvre d’Ernest Cole donne l’occasion à Raoul Peck de montrer le monde en mêlant l’œil du témoin et les paroles de ceux qui l’ont connu sinon côtoyé. Cette enquête fouillée aboutit à un film-gigogne où le photographe s’exprime à travers la voix du réalisateur en personne dans un phénomène d’identification troublant. Au-delà de son destin chagrin, ses photos lui permettent de dresser le portrait d’une époque tiraillée entre les derniers feux de la décolonisation dont l’Afrique du Sud a été l’ultime bastion et la rébellion de la jeunesse occidentale contre ses aînés. Peck partage enfin avec Cole le poids de l’exil qui l’a rendu plus fort, là où le photographe l’a payé de sa vie. Ce sont ces multiples facettes qu’explore le film en tirant de l’ombre un artiste majeur trop longtemps ignoré.

Jean-Philippe Guerand

Ernest Cole : Lost and Found. Film documentaire américain de Raoul Peck (2024). 1h46.




Back to Top ↑