Emily de Frances O’Connor

On ne compte plus les films mettant en lumière (sombre) les sœurs Brontë, icônes indépassables du romantisme le plus échevelé. Y compris en France puisque André Téchiné a jadis consacré un film à Emily, Charlotte et Ann, incarnées respectivement par Isabelle Adjani, Marie-France Pisier et Isabelle Huppert. Mais comme son titre l’indique, c’est plus particulièrement à la première que le film de Frances O’Connor s’intéresse. Pour approcher l’intimité d’un esprit rebelle, rétif aux règles d’airain de l’Angleterre victorienne. Et tenter de comprendre (et faire comprendre) comment la psyché fragile de la jeune femme (morte à l’âge de 30 ans) a pu déboucher sur un roman hors norme (ce sera son unique livre), l’un des chefs d’œuvre de la littérature mondiale, Les Hauts du Hurlevent. Mais ce faisant la cinéaste (qui signe ici son premier film) triche un peu, créant de toute pièce une idylle naissante entre la jeune femme et un vicaire de son entourage, qui ne semble pas indispensable. D’autant que nous ne sommes pas insensibles par ailleurs à la relation passionnelle qu’elle entretient avec son frère, Branwell, un frère libertin et drogué qui peu à peu s’avère être un double inversé à fragilité égale. C’est dans cette zone de transgression plus ou moins assumée que se love le film, décrivant Charlotte et Ann à l’inverse comme des incarnations de la sagesse. Les trois sœurs et leur frère auront pourtant des destins parallèles, mourant jeunes (comme leur mère, à l’inverse de leur père), dans l’exaltation d’une vie qu’ils n’auront pas vraiment à saisir. Romantique.

Yves Alion

Film britannique de Frances O’Connor (2022), avec Emma Mackey, Alexandra Dowling, Fionn Whitehead. 2h10.