Critique

Publié le 5 janvier, 2025 | par @avscci

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Eephus, un dernier tour de piste de Carson Lund

Sous couvert d’appliquer la fameuse règle des trois unités à un match de base- ball opposant les vétérans d’une bourgade de la Nouvelle-Angleterre sur un terrain convoité par des spéculateurs immobiliers, voici une tragédie de l’attente qui se déroule en temps réel entre chien et loup jusqu’à la tombée de la nuit. Ce défi artistique d’une incroyable audace est un paramètre visuel qui contribue pour une large part à la fascination qu’il exerce en instaurant une illusion rare et en nous plongeant dans une atmosphère littéralement crépusculaire pour assister à un rituel aussi mystérieux que fascinatoire. Prétexte à des conversations entre camarades pendant les innombrables périodes où chacun des participants de ce rituel attend son tour pour entrer en jeu, comme un instrumentiste au sein d’un orchestre symphonique. Le base-ball n’est ici qu’un simple prétexte, jamais un véritable enjeu, contrairement à cette tradition des films mettant en scène le sport où le résultat final représente une sorte d’aboutissement dramatique et instaure un suspens plus ou moins artificiel. Inutile d’en connaître les règles pour goûter ce match prétexte à tout un tissu de relations humaines compliquées qui s’établissent entre des joueurs liés par leur esprit d’équipe pour lesquels la victoire n’est en aucun cas une fin en soi. Eephus, le dernier tour de piste évoque le cinéma de Robert Altman par son esprit, sa liberté assumée et une certaine mélancolie collective. Avec en prime un délicieux cameo du grand Frederick Wiseman, lui-même adepte des odyssées documentaires au long cours en prise avec le réel.

Jean-Philippe Guerand

Eephus. Film américain de Carson Lund (2022), avec Keith William Richards, Frederick Wiseman, Cliff Blake. 1h38.




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