Critique

Publié le 17 juillet, 2024 | par @avscci

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Dos madres de Víctor Iriarte

Deux mères pour un fils. L’une se l’est vu enlever à la naissance, l’autre l’a adopté puis élevé. Vingt ans plus tard, elles vont s’unir pour obtenir la réparation qui leur est due et faire justice elles-mêmes avec la complicité du jeune homme. Víctor Iriarte traite sur le mode du thriller d’un sujet de société inspiré d’une affaire authentique survenue en 1996, lorsque des orphelins ont été avisés par des lettres anonymes de l’identité véritable de leurs parents biologiques. Le réalisateur espagnol en tire une belle histoire de sororité en s’appuyant sur deux actrices remarquables : Lola Dueñas, l’une des interprètes fétiches de Pedro Almodóvar, et Ana Torrent, l’inoubliable gamine de Cria cuervos revue l’été dernier dans Fermer les yeux. Cette vengeance de femmes dénonce un authentique scandale d’état provoqué par un dysfonctionnement dont les conséquences sont d’autant plus graves qu’elles mettent en cause des destins. On estime en effet officiellement à trois cent mille en quarante ans le nombre de nouveau-nés enlevés à leurs parents considérés comme “marxistes”, donc déviants dans le contexte de la société franquiste, et confiés à des familles chargées de les guider sur le bon chemin. Une authentique entreprise d’endoctrinement moral que Víctor Iriarte aborde du point de vue des victimes. Cette réflexion sur la filiation, donc par extension sur l’alchimie mystérieuse qui s’établit entre l’inné et l’acquis, choisit le mélange des genres comme antidote à ces mémoires trahies et ces enfants volés, sans jamais perdre de vue pour autant le poids de l’émotion.

Jean-Philippe Guerand

Sobre todo de noche. Film hispano-portugo-français de Víctor Iriarte (2023), avec Lola Dueñas, Ana Torrent, Manuel Egozkue. 1h49.




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