Publié le 10 janvier, 2018 | par @avscci
0Que le Diable nous emporte de Jean-Claude Brisseau
Comme pour La Fille de nulle part (2013), Jean-Claude Brisseau tourne dans son appartement, transformant un décor quotidien en monde fantastique. L’utilisation de la 3D, qu’on pourrait croire hyperréaliste, éloigne au contraire de tout naturalisme et fait entrer le spectateur dans une poésie toute particulière, que Brisseau pratique depuis ses premiers essais des années 70. Il retrouve Fabienne Babe, trente ans après De bruit et de fureur. Souveraine, manipulatrice et disponible, elle rencontre, avec sa complice Anna Sigalevitch, une fille plus jeune, Isabelle Prim, qui fabrique des images érotiques avec les moyens de son temps, c’est-à-dire, bien sûr, un téléphone portable. Entre ces trois femmes, mystères et confidences, et contacts avec un homme fragile (Fabrice Deville). À côté (ou au-delà ?) de ces quatre-là, un sage méditatif interprété entre humour et gravité par Jean-Christophe Bouvet, dont on s’étonne qu’il n’ait pas croisé Brisseau plus tôt, tant leurs univers se mêlent avantageusement. Si la 3D permet au cinéaste de filmer ses interprètes comme des corps magiques, elle lui permet aussi de montrer chaque élément de la maison (livres, meubles, objets courants) en témoins du surnaturel. À la vision de ce nouveau Brisseau, où on discerne plus de légèreté et de sourires que d’habitude, on ne peut que se désoler qu’on ait privé le cinéaste et les spectateurs de la rétrospective pourtant annoncée pour janvier à la Cinémathèque française. Le Caravage et Francois Villon avaient commis de plus grands crimes. On devrait sans doute ôter leurs œuvres de l’espace public.
Film français de Jean-Claude Brisseau (2017), avec Fabienne Babe, Isabelle Prim, Anna Sigalevitch, Fabrice Deville, Jean-Christophe Bouvet. 1h37
Critique en partenariat avec l’ESRA.