Publié le 17 avril, 2018 | par @avscci
0Mes provinciales de Jean-Paul Civeyrac
C’est l’éternelle odyssée du jeune provincial qui part s’installer à Paris et abandonne pour cela son premier amour dans son berceau provincial natal, tel le chevalier partant aux croisades. Les lumières et les chimères de la grande ville vont éblouir l’étudiant qui n’a d’yeux que pour un rebelle de l’amphi, double fantasmatique qu’il ne parviendra jamais à devenir. Avec Mes provinciales, Jean-Paul Civeyrac recolle au peloton de ces cinéastes qui perpétuent la tradition française du film d’apprentissage popularisée par la Nouvelle vague. Une référence qu’accuse encore l’usage du noir et blanc et la fonction dévolue au dialogue. Il y a autant de Philippe Garrel que de Jean Eustache dans cette fresque intimiste dont le héros (terme ici impropre) se caractérise par sa posture d’observateur et une passivité qui lui vaut de n’exister qu’à travers les autres. Il émane de Mes provinciales une pureté d’autant plus précieuse que Civeyrac s’attache à un protagoniste qui préfère vivre par procuration que prendre des risques et succombe peu à peu au vertige faussement rassurant du conformisme, en se coulant dans un moule rassurant. Comme si le cinéaste avait décidé de détourner systématiquement sa caméra pour cadrer l’un de ces personnages secondaires que négligent ses confrères. L’expérience s’avère d’autant plus fascinante qu’elle accroît l’empathie et encourage l’identification. Ce garçon pétrifié devant une fenêtre ouverte, c’est aussi le spectateur. Quant au film, il est vertigineux.
Jean-Philippe Guerand
Film français de Jean-Paul Civeyrac (2017), avec Andranic Manet, Gonzague van Bervesselès, Corentin Fila. 2h15.
Critique en partenariat avec l’ESRA.