Publié le 6 septembre, 2018 | par @avscci
0Le Poirier sauvage de Nuri Bilge Ceylan
Un jeune homme qui se rêve en écrivain constate qu’il va être redevable de l’inconscience de son viveur de père avant de pouvoir s’en affranchir. C’est une fois de plus vers la famille que se tourne Nuri Bilge Ceylan dans cette méditation introspective dont chaque plan a la beauté fulgurante d’un tableau et chaque mot la puissance implacable de la vérité. À travers ce personnage à l’orée de la vie dont les grandes espérances se fracassent au contact de la réalité, il souligne avec délicatesse le poids des traditions au sein de la société turque contemporaine et s’interroge sur la liberté de l’artiste. Le Poirier sauvage est une méditation apaisée qui déborde des seules limites du cinéma pour aborder d’autres rivages dont celui de la philosophie. Ce film se lit autant qu’il se regarde et s’écoute. C’est une réflexion existentielle qui nous donne à réfléchir sur la personne que nous sommes, à travers cette alchimie mystérieuse qui s’établit entre l’inné et l’acquis. Pour comprendre qui il est, Sinan a besoin de se ressourcer dans le village de son enfance un peu anachronique où le temps semble parfois suspendu pour préserver les apparences, à l’instar de cette femme qui se cache derrière un arbre pour fumer. Nuri Bilge Ceylan constate mais ne juge pas. À ceux qui s’étonneront qu’il ne témoigne pas de la situation politique de la Turquie d’Erdogan, il rétorque par des considérations beaucoup plus universelles qui déjouent toute censure. Le constat n’est pas pour autant idyllique.
Jean-Philippe Guerand
Ahlat Agaci. Film turc de Nuri Bilge Ceylan, avec Aydin Dogu Demirkol, Murat Cemcir, Bennu Yildirimlar. 3h08. Sortie en salle : 8 août.
Critique en partenariat avec l’ESRA.