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Critique

Publié le 17 décembre, 2024 | par @avscci

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Conte nuptial de Claire Bonnefoy

Certains films reflètent leur époque. C’est le cas de ce Conte nuptial aux intonations faussement rohmériennes qui voit deux machos purs et durs s’inspirer de la nouvelle-titre du recueil de Roald Dahl La Grande Entourloupe, afin de procéder le temps d’une nuit à l’échange simultané de leurs compagnes, sous prétexte de remettre un peu de piment dans leurs vies sexuelles au point mort. Claire Bonnefoy a tiré de cette idée une variation toute personnelle, en s’appuyant à la fois sur des dialogues éloquents et une structure de vaudeville passée au crible du féminisme contemporain. Ce film est par son économie minimaliste l’archétype de certains projets conditionnés par le confinement et ses restrictions sanitaires, avec son nombre limité de protagonistes et de décors. En outre, sa sortie tardive n’est sans doute pas étrangère au fait que l’un d’eux, Raphaël Quenard, est devenu entre-temps l’un des talents les plus convoités de sa génération. Conte nuptial repose sur des dialogues affûtés et le parti sain et même salubre qu’en tire le quatuor réuni par Claire Bonnefoy. À travers ce jeu pervers initié par deux machos qu’on qualifiera de “peine-à-jouir”, ce premier film très bref nous renvoie une image assez désolante d’une génération incapable d’exprimer des fantasmes bien trop démesurés pour elle et surtout de jauger une réalité qui manque de faire dériver l’acte d’amour vers l’agression sexuelle en toute impunité. Et le pire, c’est que ces gens-là existent et n’ont pas davantage conscience de la gravité de leurs actes que de leur état d’esprit. Ce film est en cela un cri du cœur.

Jean-Philippe Guerand

Film français de Claire Bonnefoy (2021), avec Raphaël Quenard, Flore Babled, Hugo Dillon, Inas Chanti. 1h14.




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