Critique Compartiment N°6 de Juho Kuosmanen

Publié le 5 novembre, 2021 | par @avscci

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Compartiment n°6 de Juho Kuosmanen

Il y a les road movies. Et il y a les train movies. La lenteur, le rythme lancinant, obsessionnel du parcours dicte sa poétique à ces longues traversées. Comme dans La Nuit américaine : « Les films avancent comme des trains, tu comprends, comme des trains dans la nuit. » À cette poésie-là, Kuosmanen ajoute la peur, la surprise, l’humour, la distance, l’exotisme, l’incertitude, le jeu. Les émotions se bousculent dans ce long itinéraire entre Moscou et Mourmansk, parcourue par une archéologue finlandaise en devenir, montée dans un wagon douteux de l’URSS d’il y a quarante ans, forcée de partager un interminable voyage avec un fascistoïde au crâne rasé, grossier et vodkalcoolique. Rien ne sera comme on l’avait cru. Aucun événement n’aura lieu qu’on eût envisagé. Aucun personnage ne sera celui qu’on attendait, pas même ceux qu’elle a laissés derrière elle à Moscou. Et ces « pétroglyphes » antiques et obscurs qu’elle espérait trouver vers le cercle polaire, les trouvera-t-elle jamais ? Le spectateur est baladé comme l’héroïne entre appréhension et passivité, énergie et déception, rire et inquiétude. La médiocrité sordide d’une certaine immobilité soviétique, souvent traitée par les cinéastes russes d’aujourd’hui comme un cauchemar redondant, est ici regardée avec plus de délicatesse, plus de distance, plus d’humour. Les clichés fondent comme la neige sur les bords de la mer de Barents et il faut être finlandais pour regarder le voisin avec plus d’indulgence que lui-même.

René Marx

Original. Film finlandais de Juho Kuosmanen (2021), avec Seidi Haarla, Youri Borissov. 1h47.




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