Critique

Publié le 29 juin, 2024 | par @avscci

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Camping du lac d’Éléonore Saintagnan

L’affaire débute comme un documentaire un rien nombriliste qui voit une jeune femme (incarnée par la réalisatrice en personne) victime d’une panne de voiture et contrainte de modifier ses plans en trouvant refuge dans un camping en basse saison où ont échoué des personnages multiples et variés. Là, elle va prendre goût à cet imprévu et en profiter pour dresser une sorte d’état des lieux de sa vie en vrac, loin de tous ses repères habituels. Jusqu’au moment où elle se trouve littéralement happée par ce cadre bucolique auréolé d’une légende providentielle sous la forme d’une créature lacustre qui pare ce site breton quelconque d’une modeste aura propice au tourisme. Le film brise ainsi les codes du cinéma intimiste pour se frotter au fantastique en tout juste soixante-dix minutes et nous entraîne dans un univers à peu près tout semble possible. Camping du lac repose sur la capacité de son actrice-réalisatrice à nous émerveiller à partir d’un décor champêtre qui révèle petit à petit des ressources insoupçonnées. Avec la morale écolo dont est porteuse cette étude de mœurs selon laquelle certaines légendes devraient le rester et que quand elles finissent par se réaliser, une réalité moins glorieuse se charge de briser nos rêves les plus fous. Son propos polyphonique nous entraîne ainsi dans une autre dimension où le dérèglement climatique a le pouvoir de réduire nos fantasmes à néant. Le film possède cette faculté rare qui consiste à dériver progressivement d’un point de vue nombriliste à une parabole sur l’état d’un monde en sursis, en osant à peu près tout, y compris la poésie.

Jean-Philippe Guerand

Film franco-belge d’Éléonore Saintagnan (2023), avec Éléonore Saintagnan, Anna Turluc’h, Jean-Benoît Ugeux. 1h10.




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