Critique

Publié le 18 février, 2025 | par @avscci

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Brian Jones et les Rolling Stones de Nick Broomfield

On l’a oublié, mais quand les Rolling Stones ont déboulé au début des années 60 dans l’univers du rock, donnant au passage le sentiment à une partie de la jeunesse que le vieux monde allait être bientôt submergé par un déferlement de riffs de guitare, Brian Jones faisait au moins jeu égal avec Mick Jagger dans le cœur des fans du groupe. Avant de perdre peu à peu pied, d’être évincé du groupe et de mourir quelques jours plus tard dans des circonstances qui ont alimenté les unes des gazettes. C’est cet itinéraire tragique et digne des romans les plus épiques que retrace le film de Nick Broomfield, nous replongeant avec volupté dans les effervescentes sixties. Mais tout d’abord ce qui saute aux yeux c’est ce que le film ne montre pas. Très peu de chansons du groupe (des problèmes de droit ?), aucune intervention directe de Jagger et Richards, peu de témoignages sortis des archives du principal intéressé, aucune remarque sur sa progéniture éparpillée, aucune allusion au mystère de sa mort (certains parlent de meurtre, une thèse défendue par exemple par un film de fiction en 2005, Stoned). Mais certaines scènes nous donnent pour compenser la chair de poule, par exemple quand Bill Wyman, le bassiste historique du groupe, revient sur le génie musical de son défunt compagnon. Avant que le sujet véritable du film s’impose, cette image maléfique qui s’attachait aux Stones dans les années 60. Eternels rivaux, les Beatles étaient alors considérés comme de gentils garçons alors que les Stones étaient des suppôts de Satan, ce que Jagger et les siens se gardaient bien de démentir (Sympathy for the devil reste peut-être leur plus belle chanson). En réalité tout cela relevait du marketing et les créateurs de Hey Jude étaient sans doute aussi déjantés que ceux de Satisfaction. N’empêche que les journaux se régalaient de parler des amours de Paul (McCartney) et titraient : « Laisseriez-vous votre fille épouser un Rolling Stone ? ». A cette image de voyous qui collait aux siens, Brian Jones ne contribuait pas qu’un peu. Ses provocations (la photo où il est habillé en nazi pour mieux faire un bras d’honneur à ses aînés n’a pas été facile à avaler), son histoire d’amour avec Anita Pallenberg, égérie toxique s’il en est (pour les cinéphiles, c’est elle qui prend un bain avec Jagger dans Performance), son attirance pour une musique moins calibrée (quitte à brusquer la doxa définitivement rock du tandem Jagger-Richards), tous ces pas de côté qui scellent son destin, le film les distille avec une fascination évidente pour cet ange (déchu) mort à 27 ans, inaugurant pour l’occasion et sans le savoir le club des idoles qui ne dépasseront pas cet âge : Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison, Kurt Cobain..

Yves Alion

The Stones and Brian Jones. Film documentaire de Nick Broomfield (2023), avec Brian Jones, Bill Wyman, Anita Pallenberg. 1h38.




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