Au pays de nos frères de Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi
Le traitement réservé aux réfugiés afghans par leurs “frères” iraniens est au cœur du premier long métrage de Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi qui se déroule pendant le premier quart du XXI e siècle et débute avec l’invasion américaine. Ce projet traite de la résilience à travers l’unité d’une famille en exil qui va se serrer les coudes pour affronter les déracinements successifs provoqués par des enjeux géopolitiques qui les dépassent. Prix de la mise en scène au festival de Sundance, Au pays de nos frères suit trois générations qui luttent pour leur survie en passant d’un pays à l’autre sans réussir à se faire intégrer. Le discours du film déborde d’ailleurs largement des seuls rapports irano-afghans pour englober celui de tous ces migrants qui sillonnent la planète en quête de paix et de sérénité. En prenant eux-mêmes la décision de quitter l’Iran pour pouvoir traiter leur sujet en toute liberté, les réalisateurs ont en quelque sorte mis leurs pas dans ceux de leurs personnages et préservé l’unité de leur projet avec la précieuse complicité de leur chef opérateur expérimenté, Farshad Mohammadi, qui en a assuré la cohérence esthétique, notamment en s’attachant à magnifier la splendeur des paysages et des saisons. Les réalisateurs eux-mêmes apprécient en connaisseurs l’usage de l’hors-champ que le spectre de la censure leur a appris à maîtriser avec une grande habileté. Avec au cœur de cette saga délicate et souvent poignante ce thème récurrent de l’altérité qui constitue le remède le plus efficace au déracinement. Le cinéma devient ici une fenêtre ouverte sur un monde en fusion qui contraint ses populations à une sorte de transhumance interminable du Sud vers le Nord.
Jean-Philippe Guerand
In the Land of Brothers. Film irano-franco-hollandais de Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi (2024), avec Hamideh Jafari, Bashir Nikzad, Mohammad Hosseini. 1h35.