Critique

Publié le 31 octobre, 2024 | par @avscci

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Anora de Sean Baker

Comme l’on sait, Anora sort auréolé de sa Palme d’or obtenue à Cannes en mai dernier. Mais nombre de films retenus pour la compétition ont en commun un point de vue formel affirmé, n’hésitant pas parfois à mélanger les genres de façon ostentatoire (Mégalopolis, Emilia Pérez, etc.) Pour avoir emporté la Palme, Anora n’en fait pas partie. Non pas que Sean Baker ait renoncé à un point de vue esthétique, à une façon personnelle de mettre en lumière ses personnages, mais c’est bien l’itinéraire de ces derniers qui nous passionne ici. Avec son sens inné de la provocation, le cinéaste nous propose un conte, mettant en scène une Cendrillon des temps modernes perdue dans une Amérique qui n’incite pas au rêve, la pantoufle de vair laissant la place à une petite culotte et le prince charmant se révélant un ado immature et richissime, dont la libido exigeante n’a guère plus de poids que son addiction aux jeux vidéo. Mais Cendrillon est call girl de son état et le prince charmant le fils d’un oligarque russe, dont la fortune n’égale que le cynisme. Comme les deux tourtereaux ont eu l’idée de convoler en justes noces lors d’un voyage éclair à Las Vegas, les parents du jeune homme dépêchent des hommes de confiance pour faire annuler le mariage. S’en suit une longue course-poursuite à la After Hours, qui offre à Baker maintes occasions de nous faire rire, parce que ses hommes de main sont des bras cassés qui n’auraient pas déparé dans un film de Lautner. Le résultat est infiniment réjouissant, confirmant que le signataire de Florida Project (par ailleurs objet de l’un de nos prochains numéros) n’a pas son pareil pour nous faire visiter les arrière-cours du rêve américain. Et nous ne pouvons qu’avoir un coup de cœur pour Mikey Madison, dont l’énergie déployée pour faire vivre Anora, son personnage, est égale à celle de cette dernière à résister à l’adversité.

Yves Alion

Film américain de Sean Baker (2024), avec Mikey Madison, Mark Eydelshteyn, Youri Brissov, Vache Tovmasyan. 2h19.




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