Critique

Publié le 16 septembre, 2024 | par @avscci

0

Anaïs, 2 chapitres de Marion Gervais

Revenu sur le devant de l’actualité l’hiver dernier, le monde agricole aux abois depuis des lustres a inspiré récemment à Gilles Perret le très touchant La Ferme des Bertrand sur une famille d’éleveurs à travers trois générations. On se souvient également du fameux diptyque réalisé à près de quatre décennies de distance par Georges Rouquier, Farrebique (1947) et Biquefarre (1983), et des non moins célèbres Profils paysans (2001, 2005, 2008) que Raymond Depardon a consacré au milieu dont il est issu. L’agricultrice que filme Marion Gervais est une personnalité au caractère bien trempé à qui elle a déjà consacré deux films : Anaïs s’en va-t’en guerre (2014) et Anaïs s’en va aimer (2023), avant d’en tirer aujourd’hui un portrait magistral d’une damnée de la terre à tous les sens du terme. Il faut la voir arracher des mauvaises herbes, sourire en coin, et assumer ses choix dans une solitude monacale pour se lancer dans une culture de plantes aromatiques à la rentabilité incertaine. Au fil de cette première partie, on comprend qu’avec son caractère rebelle, il vaut mieux qu’elle vive seule que mal accompagnée. Et puis, dans la seconde, on la découvre mariée à un homme rencontré sur les réseaux sociaux, un Sénégalais stoïque du nom de Seydou qui a dû lutter lui aussi pour se faire sa place sous la pluie, sinon au soleil. En juxtaposant ces témoignages recueillis à une dizaine d’années de distance, Marion Gervais va bien au-delà des rapports sociologiques les plus savants en compagnie d’une femme farouche et déterminée qui s’en remet à sa conviction pour poursuivre une chimère magnifique.

Jean-Philippe Guerand

Film documentaire français de Marion Gervais (2024). 1h44.




Back to Top ↑