Amal – Un esprit libre de Jawad Rhalib

L’éducation se trouve cette fois au cœur d’un film belge à travers une enseignante confrontée à des élèves issus de milieux communautaristes bien décidés à en découdre. Contrairement à Pas de vagues qui prenait des gants pour décrire une spirale infernale et à La Salle des profs qui pointait un dysfonctionnement généralisé, venu du documentaire, Jawad Rhalib fonce bille en tête, comme galvanisé par sa foi en une cause juste. Son film est pourtant aussi celui qui va le plus loin dans l’évocation d’un désastre, en évacuant la bienveillance et l’angélisme. L’école n’est en fait ici que le microcosme d’une société malade de son refus de l’autorité où s’échauffent les esprits et où se diffuse une propagande mortifère dont Philippe Faucon a décrypté bon nombre de signaux dans La Désintégration (2011). Les seuls parents d’élèves qui s’impliquent dans la vie scolaire incarnent une idéologie dont ils diffusent les bases sous des prétextes fallacieux. Avec non pas face mais avec eux une hiérarchie résignée qui craint pour sa réputation. Alors quand une enseignante décide de lutter pour la laïcité et de déjouer ces tentatives sournoises de manipulation, elle se retrouve bien seule. Amal – Un esprit libre décrit méthodiquement une dérive sectaire qui mène au pire en conditionnant les terroristes de demain. Lubna Azabal y trouve un nouvel emploi à sa démesure en enseignante héroïque confrontée aux jeunes proies malléables d’un prêcheur de haine d’autant plus diabolique que parfaitement intégré. Et si le film assume son manichéisme, c’est pour rendre plus intelligible son cri d’alerte.

Jean-Philippe Guerand

Film belgo-français de Jawad Rhalib (2023), avec Lubna Azabal, Fabrizio Rongione, Catherine Salée, Kenza Benboutcha, Johan Heldenbergh. 1h51.