Critique

Publié le 24 mars, 2025 | par @avscci

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Aïcha de Mehdi Barsaoui

Il y a cinq ans, nous avons découvert Un fils. L’histoire d’un couple de Tunisiens aisés frappé par le destin quand une balle perdue lors d’un barrage terroriste près de la frontière libyenne atteint leur fils. Une course contre la montre après que le gamin est transporté à l’hôpital, qui laisse la part belle à des rebondissements en tous genres, notamment quant se pose la question de la solidité du couple… Le film, un premier long métrage, était signé Mehdi Barsaoui. Qui nous revient cette année avec un second, Aïcha, tout aussi fort. Qui lui aussi brosse le portrait d’un personnage à la croisée des chemins, une jeune femme à qui les circonstances permettent de passer pour morte, ce qui lui permet de s’inventer une nouvelle vie, affranchie des contraintes sociales du passé. Jusqu’à un certain point… Mais la dimension policière, que n’auraient pas désavoué Boileau et Narcejac, auteurs des romans dont ont été tirés Sueurs froides (Hitchcock) et Les Diaboliques (Clouzot), cède assez vite le pas pour laisser la place à un magnifique portrait de femme. Dont la volonté d’échapper à un destin un rien plombé nous fait battre le cœur. Mais le réalisateur mélange une nouvelle fois l’intime et le collectif et profite des accidents de parcours de son héroïne pour montrer que si les personnages de ses films trébuchent, c’est de fait toute la société tunisienne qui est appelée à s’interroger sur la précarité de son équilibre… Le machisme, même quand il fait mine de se faire discret, reste dominant, et de fait c’est toute la société qui boite, envahie par le mensonge et la corruption. Aïcha n’est pas directement démonstratif, et c’est tant mieux, mais le film donne néanmoins le sentiment que la société tunisienne est auscultée avec une précision chirurgicale dont personne ne sort indemne. Un grand film.

Yves Alion

Film tunisien de Mehdi Barsaoui (2024), avec Fatma Sfar, Yassmine Dimassi, Nidhal Saadi. 2h03.




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