Critiques DVD

Publié le 16 janvier, 2024 | par @avscci

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Actu dvd – Trois films de Dušan Makavejev

 

Du réalisateur serbe Dušan Makavejev, on connaît surtout un film culte devenu aujourd’hui invisible, Sweet Movie (1974), où le corps de Carole Laure était recouvert de chocolat et dont on peut se demander comment il serait accueilli aujourd’hui. C’est dire que c’est une véritable aubaine de redécouvrir trois de ses œuvres de jeunesse tournées dans la Yougoslavie du maréchal Tito.

L’homme n’est pas un oiseau (1965), son premier long métrage, entremêle trois destinées individuelles sur un ton résolument subversif qu’on peut rapprocher de la nouvelle vague tchèque contemporaine par son insolence et son persiflage. La subversion y passe par une ironie mordante et une forme qui s’ingénie à briser les codes en vigueur en multipliant les ruptures. Ce film laconique révélé à Cannes par la Semaine de la critique est accompagné de son court métrage, Am, stram, gram (1961), et d’un livret qui reprend un article publié dans Les Cahiers du cinéma à l’époque de sa découverte.

Une affaire de cœur (1967) sous-titré La Tragédie d’une employée des P.T.T. donne au cinéaste l’occasion d’affiner son style à travers l’idylle d’une standardiste d’origine hongroise avec un inspecteur sanitaire turco-bosniaque, avec en contrepoint des interventions d’un sexologue et d’un criminologue qui transforment les tourtereaux en sujets d’observation. On y perçoit l’influence du psychanalyste Wilhelm Reich qui inspirera au cinéaste son quatrième long métrage, Les Mystères de l’organisme, et le poussera à l’exil. Ce film sulfureux et jubilatoire est accompagné de deux courts métrages : Conte pédagogique (1961) et Parada (1962), ainsi que d’un livret comprenant l’entretien réalisé par Michel Delahaye avec le réalisateur en 1967 dans Les Cahiers.

Ours d’argent au festival de Berlin, le documentaire Innocence sans protection (1968) est une exhumation raisonnée du premier film parlant yougoslave tourné clandestinement en 1942, Nevinost bez zastite, une fiction autobiographique commentée par son auteur, Dragoljub Aleksic, et une partie de son équipe. Un exercice de mise en abyme plein d’humour à décrypter au second degré qui met les deux époques en miroir avec autant de virtuosité que d’amour du cinéma. Le film va de pair avec le court métrage Nouvel animal domestique (1964) et un livret comprenant une interview de Dušan Makavejev menée par le regretté Michel Ciment en 1968 pour Positif. En attendant la suite de cette exhumation nécessaire qui risque de faire grincer des dents certaines féministes.

Jean-Philippe Guerand

L’homme n’est pas un oiseau / Une affaire de cœur / Innocence sans protection Malavida Films 




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