Publié le 16 septembre, 2020 | par @avscci
0Actu dvd septembre 2020 – Quatre films anglo-saxons vintage
Distribué en France seulement en 1990, Detour (1945) est à n’en pas douter l’un des films les plus célèbres d’Edgar G. Ulmer. C’est un polar sec et nerveux qui n’a pas besoin de plus de 68 minutes pour tisser sa toile, auquel la postérité a valu de faire passer du statut de série B à celui de classique. Un pianiste de bar s’y trouve pris dans une succession d’événements qui vont le transformer malgré lui en meurtrier. Soucieux de rendre crédible son intrigue, le réalisateur s’autorise quelques coquetteries de mise en scène parfois surprenantes, à l’instar de ces plans inversés à l’aide d’un miroir qui provoquent notamment la montée d’un auto-stoppeur à la place du conducteur. Le rythme du film finit par noyer ces invraisemblances et ces raccords approximatifs qui ne nuisent aucunement au plaisir simple que prodigue son intrigue haletante peuplée d’archétypes, à l’instar de la femme fatale campée par Ann Savage. Seule faute de goût de cette édition, elle ne propose pas le moindre bonus.
S’il est un jalon oublié au sein de la carrière d’Audrey Hepburn, c’est bien Secret People (1952) qui précède d’un an son envol vers la gloire avec Vacances romaines. La raison en incombe sans doute à la modeste renommée de son réalisateur, le britannique Thorold Dickinson, sélectionné pourtant à deux reprises en compétition à Cannes, avec La Reine des cartes en 1949 et La colline 24 ne répond plus en 1955, qui fut son chant du cygne. Le douzième et avant-dernier long métrage de ce cinéaste qui justifiait sa modeste filmographie par son refus de tourner des projets qui ne l’inspiraient pas permet d’assister à la mue d’une chrysalide en papillon ou plutôt d’une petite ballerine en comédienne. La distribution particulièrement interlope plonge par ailleurs l’Italienne Valentina Cortese, le Français Serge Reggiani et l’Autrichien Charles Goldner dans une intrigue rocambolesque. À noter que ce film d’espionnage devenu une rareté est accompagné d’un livret qui a la bonne idée de reprendre des extraits de Making a Film – The Story of Secret People, un ouvrage inédit en France publié par le grand Lindsay Anderson en 1952.
Tout aussi méconnu, 10, rue Frederick est une vraie curiosité. Non pas par sa forme, une sorte de mélo parfois un peu maladroit, mais qui sait nous toucher. Non pas par son ambition, mêlant des considérations personnelles à une ambition politique, le personnage principal ayant pour ambition de devenir le locataire de la Maison Blanche. Mais bien par la personnalité de celui qui est au cœur du film, Gary Cooper. Un Gary Cooper qui a perdu l’essentiel de sa superbe. Il n’a alors que 57 ans mais ses traits sont pour le moins tirés. Il mourra trois ans plus tard… Un Gary Cooper dépeint en loser pathétique qui par grandeur d’âme renonce à l’amour qui semblait le faire renaître, avec une jeune femme éprise et dévouée, mais qui n’a pas la moitié de son âge. Pour retourner auprès de sa épouse légitime (et mère de ses deux enfants, qui assistent avec effroi au naufrage familial), une maîtresse-femme qui n’a aucun égard à son endroit et ne reste que pour nourrir une ambition démesurée. Ce film de Philip Dunne n’est certes pas un chef-d’œuvre, mais il sait se montrer sensible et offre en tout état de cause de voir le grand Gary Cooper sous un jour inhabituel…
Nous sommes moins dépaysés par Bette Davis dans Confession à un cadavre, tant la comédienne, qui n’avait plus rien à prouver depuis des lustres, a pris un malin plaisir à terminer sa carrière en alignant plusieurs rôles où elle flirtait avec la folie. Ce film britannique de Seth Holt date de 1965. Il suit ainsi de quelques années Psychose, du maître Hitchcock, portrait d’un psychopathe qui a rapidement fait quelques petits. Très stylisé, bénéficiant d’un noir et blanc de toute beauté, le film évoque d’autres films des années 1960 dont l’action se déroule chez sa Gracieuse Majesté, tels que Répulsion, Chaque soir à neuf heures ou The Servant. C’est la même ambiance malsaine, la même volupté à observer les dérèglements de l’âme et de l’esprit, éventuellement la même interrogation devant la fausse candeur de l’enfance. Car l’affrontement est ici violent entre cette nurse on ne peut plus dévouée, impeccable Mary Poppins au sourire forcé, et le gamin rebelle qui n’a d’autre idée que de la voir partir. Le film ne nous dit pas immédiatement si le gamin affabule ou si la perversité se niche chez les adultes (comme dans Une incroyable histoire, de Ted Tedzlaff). Le spectateur a évidemment une idée derrière la tête, mais cela n’ôte rien au plaisir que procure ce film expressionniste et baroque qui mérite amplement d’être redécouvert. n
Detour Films Sans Frontières
Secret People Doriane Films
10, rue Frederick BQHL
Confession à un cadavre BQHL