Publié le 20 septembre, 2015 | par @avscci
0Actu DVD septembre 2015 – Trois films américains récents
La meilleure raison de regarder Still Alice, mélodrame assumé inspiré du roman homonyme de Lisa Genova, c’est Julianne Moore à qui il a valu l’Oscar et le Golden Globe de la meilleure actrice, moins d’un an après le Prix d’interprétation féminine qu’elle avait obtenu à Cannes pour sa composition dans Maps to the Stars de David Cronenberg. Tardive reconnaissance justifiée par le rôle écrasant qu’elle tient dans le film, celui d’une linguiste atteinte de la maladie d’Alzheimer, qui perd peu à peu tous ses repères quotidiens, face à une famille aussi impuissante que désemparée. Un sujet d’autant moins innocent que l’un des deux réalisateurs, Richard Glatzer, luttait quant à lui contre la maladie de Charcot (évoquée dans Augustine d’Alice Winocour) qui l’a emporté moins de trois semaines après la cérémonie des Oscars. C’est sans doute cette implication, d’autant plus intime qu’il était par ailleurs marié avec le réalisateur Wash Westmoreland, qui explique la profonde empathie que suscite le jeu de Julianne Moore, littéralement habitée par ce personnage de mère de famille confrontée à une dégénérescence inéluctable. En lieu et place du sempiternel making of où tous les protagonistes y vont de leur compliment, le film est accompagné d’un court métrage d’une dizaine de minutes intitulé Trouver Alice qui évoque simplement les enjeux d’Alzheimer et l’action jouée par les associations américaines spécialisées.
C’est également une femme qui est au cœur du dernier film de Tim Burton, Big Eyes, qui relate l’histoire authentique d’un couple dont la femme, Margaret Keane (incarnée par Amy Adams), réalisait des tableaux que signait son mari, Walter, un mythomane chronique. Jusqu’au jour où l’ampleur de leur gloire les ayant dépassés et leur union battant sérieusement de l’aile, l’épouse soumise et bafouée a entrepris de se battre pour obtenir la reconnaissance de son talent. La scène clé de cette chronique impeccablement reconstituée de l’American Way of Life des années 50 et 60 dans laquelle la ménagère était condamnée à jouer les potiches aguichantes auprès de son seigneur et maître tout-puissant, se situe au moment du procès, lorsque l’usurpateur (Christoph Waltz dans un grand numéro) se voit prié d’exécuter une toile devant la cour et ne parvient à griffonner qu’un dessin digne d’un élève de primaire. On comprend la fascination de Burton pour ces personnages peints aux yeux démesurés : ils semblent sortis tout droit d’un de ses films précédents. Dommage toutefois que cette première édition ne comprenne pas le moindre bonus. Le sujet s’y prêtait et le méritait.
Terminons par le dernier opus de l’indestructible Clint Eastwood. American Sniper est un cas d’école. Parce que le film est signé par un octogénaire qui n’a jamais semblé si jeune. Parce qu’il a battu des records au box-office. Parce qu’il se situe au centre stratégique du cinéma eastwoodien. Le cinéaste a en effet réussi tout au long de sa carrière à plaire à des publics différents, presque antagonistes. D’un côté les traditionnalistes, républicains sans état d’âme, patriotes jusqu’au chauvinisme. De l’autre certains bobos démocrates sensibles à son attention pour les losers. Les premiers applaudissent à la série des Inspecteur Harry quand les seconds louent Honky Tonk men ou Bronco Billy. Si American Sniper (comme Gran Torino avant lui) réconcilie tout le monde c’est que l’habileté d’Eastwood est grande. À travers le portrait de ce soldat américain tireur d’élite, c’est tout autant l’Amérique qui bombe le torse qui nous est montrée que celle qui pleure ses enfants… Sur le plan du cinéma, il faut dire que le film est par ailleurs superbe, les scènes d’action étant réglées comme du papier à musique quand les scènes plus intimes nous émeuvent au plus profond.
Yves Alion et Jean-Philippe Guerand
Still Alice Sony Pictures Home Entertainment
Big Eyes StudioCanal
American sniper Warner Home vidéo