Publié le 31 mai, 2016 | par @avscci
0Actu dvd mai 2016 – Le Goût des merveilles, La Fille du patron et Tête baissée
Cinéaste inégal et éclectique, Éric Besnard n’est pas nécessairement de ceux dont on attend les films avec une impatience particulière. Son Goût des merveilles n’en est pas moins une bluette délicieuse qui vaut davantage par la lumière provençale et une générosité sans limites que par les arabesques de son scénario. Car l’histoire est simple, celle de la rencontre d’un homme et d’une femme qui n’auraient jamais dû se rejoindre. Le premier est un autiste menacé d’enfermement thérapeutique, la seconde une veuve inconsolable. Mais le hasard va les mettre en présence et leur permettre de trouver une chaleur nouvelle au milieu de la chatoyante beauté de la Provence au printemps. Le film n’est évidemment pas pour les cyniques et les ricaneurs, mais tous les autres y trouveront leur compte. Après tout rien n’empêche aux bons sentiments de déboucher sur de bons films.
La Fille du patron peut lui aussi être vu comme une fable moderne, une sorte de Roméo et Juliette au cœur d’une usine de province. Mais aussi belle soit elle, l’histoire d’amour entre un ouvrier et la fille de celui qui tient les rênes de l’usine vaut d’abord par ce qu’elle révèle des blocages de notre société. Le film est d’autant plus prenant qu’il échappe à toutes les chausse-trappes, évite de stigmatiser ceux à qui cette idylle fait grincer les dents, prend le temps d’interroger les limites du féminisme dans un univers socialement frileux et valide les confrontations de classes sans proposer de solution miracle. Comme l’immersion dans le milieu industriel (et corollairement dans celui du rugby) n’est jamais forcée et que les comédiens sont épatants, on accueillera ce premier long métrage d’Olivier Loustau (qui tient également le rôle masculin principal) avec beaucoup de plaisir. Un cinéaste à suivre… D’autant que le visionnage de son court métrage Face à la mer, posant lui aussi le problème de la mutation du travail, incite à penser que la réussite de La Fille du patron n’est pas le fruit du hasard.
Terminons par un film hybride quant à sa nationalité, mi-français mi-bulgare, mais très homogène quant à son identité : Tête baissée est un film noir. L’un de ces films qui projettent une lumière brutale et crue sur tous les vices de construction d’une société claudicante. Pas besoin de convoquer un détective privé pour installer le décor : le climat poisseux qui baigne l’ensemble du film, l’impasse dans laquelle se sont enfoncés les personnages suffisent à nous couper le souffle. L’histoire est celle de la rencontre d’un pitoyable malfrat et d’une jeune prostituée roumaine qui unissent leur destin plombé, d’abord contre leur volonté, avant que s’instaure un début de tendresse mutuelle. Le film a des accents d’un réalisme saisissant quand nous rendons visite à tous ces malfrats sans foi ni loi qui vivent de la traite des jeunes vierges, particulièrement prisées chez certains clients occidentaux. La violence physique est mesurée et la surenchère de la poisse n’est pas systématique (ce qui renforce sans doute l’aspect reportage de l’ensemble). Mais ce sont les sentiments, les émotions (ou plutôt leur absence), les motivations des uns et des autres qui nous rivent au film, aussi fascinant qu’inconfortable. Plus la prestation de Melvil Poupaud, formidable, tout comme celle de sa jeune partenaire, confondante de naturel.
Yves Alion
Le Goût des merveilles TF1 Vidéo
La Fille du patron Wild Side
Tête baissée Le Pacte