Freda de Gessica Géneus

A l’heure où Haïti est à nouveau dans l’actualité, suite à l’assassinat de son président, Freda est un premier long métrage dont la prescience fait froid dans le dos. Partir, rester, vivre pour soi ou pour sa communauté, son pays… Au cœur une jeune femme, Freda donc. Autour d’elle sa famille, son amour, ses amis, qui tous s’agitent dans ce pays fréquemment secoué par la violence, ce dont témoigne le corps de son petit ami, de retour en ville après avoir reçu chez lui, sur son lit, une balle perdue. Freda part de clichés (la sœur jolie et arriviste, le copain artiste…) pour les affiner progressivement et les étendre à une échelle plus globale, celle d’un pays et de questions (comment s’engager, peut-on vivre et se battre pour sa patrie en même temps ?) forcément brûlantes. Le récit s’écoule comme une chronique peu apaisée, dont l’héroïne, son visage, est le centre, mais toujours connecté aux autres et au monde. Finalement, la fin transforme le drame collectif en blessure personnelle, en donnant subitement du sens aux mystérieuses premières images du film, et en mettant un traumatisme bien intime au cœur d’un récit politique mais aussi personnel. Freda veut se battre pour les siens, mais ses propres démons sont là, et réclament leur dû. Long métrage parfois maladroit, parfois un peu confus, Freda dégage une sincérité, un sens des nuances et du questionnement, qui finit par vaincre ses insignifiants défauts.

Pierre-Simon Gutman

Film haïtien de Gessica Géneus (2021), avec Néhémie Bastien, Fabiola Remy, Djanaïna François. 1h29.