Publié le 26 mars, 2021 | par @avscci
0Portrait – Jean-Claude Carrière
La disparition de Jean-Claude Carrière nous laisse orphelins, tant cet homme a porté haut une certaine conception du cinéma (et du théâtre, de la littérature, etc.), alliant l’exigence du propos, jamais badin et une irréductible bienveillance à l’égard du genre humain. Pour lui rendre hommage, Jean Ollé-Laprune a pris sa plus belle plume, qui ne s’est pas forcée pour écrire son admiration. Et nous vous proposons en guise de bonus quelques extraits d’un entretien qu’il nous avait accordé il y a près de vingt ans pour un numéro consacré à La Piscine… Une magistrale leçon de cinéma. Mais qui pouvait en douter ?
Le Who’s who définit Jean Claude Carrière comme « écrivain, scénariste, et dramaturge ». À l’aune de son éclectisme, on peut trouver cette définition un peu laconique… En fait, pour évoquer la place singulière qu’il a occupée dans la littérature et le cinéma, il est tentant de rapprocher notre homme du personnage emblématique d’un film anglais d’après-guerre, réalisé par Robert Hamer : Noblesse oblige (Kind Hearts and Coronets en vo). On y voyait un aristocrate anglais du XIXe siècle assassiner avec flegme les uns après les autres tous les membres de sa famille. La vedette en était Denis Price. Mais on l’a complètement oublié. En revanche on se souvient très bien d’Alec Guiness qui interprétait avec de superbes déguisements chaque fois renouvelés les huit victimes successives du héros : un banquier, un amiral, un évêque, une suffragette, etc.
Jean Claude Carrière est un peu au cinéma et à la télévision ce qu’Alec Guiness est à Noblesse oblige. Il n’est pas forcément au premier plan, mais il est omniprésent. Prenons un livre de cinéma, le livre de souvenirs d’un metteur en scène, par exemple. On peut lire : « Je venais d’assister à la projection d’un merveilleux film de Pierre Étaix au Festival de Sorrente. En allant féliciter le cinéaste, je remarquai un jeune barbu souriant qui s’avéra être l’auteur du scénario. Nous engageâmes la conversation et c’est ainsi que nous devînmes amis ». Celui qui parle (nous sommes dans les années 1960), c’est Milos Forman, l’auteur des Amours d’une blonde et de Vol au-dessus d’un nid de coucous. Les deux hommes travailleront ensemble sur trois films, étalés sur trente-cinq ans : Taking off (1971), Valmont (1989) et Les Fantômes de Goya (2006)…
C’est également dans L’Avant-Scène Cinéma [n°509, consacré à La Piscine] que l’on peut lire : « Carrière et moi avons pris l’habitude de bosser ensemble au début du projet. Après cela, je m’en vais. Il travaille de son côté et revient pour me raconter ce qu’il a écrit. Il fait même des dessins de certaines scènes, parce qu’il adore dessiner. Il joue les scènes. S’il voit que je suis heureux, tout va bien. Et quand c’est terminé, je reprends le bébé pour lui donner un format cinématographique. » Heureux, Jacques Deray (car c’est de lui dont il s’agit) a dû l’être plus d’une fois, puisque Jean-Claude Carrière et lui travailleront ensemble sur neuf autres films ou téléfilms, dont Borsalino, Un homme est mort, Un papillon sur l’épaule, etc.
Citons un dernier réalisateur, et non des moindres, qui écrit : « Tout au long de ma vie, j’ai travaillé avec vingt-huit écrivains différents. Parmi eux je me rappelle surtout Julio Alejandro et Luis Alcoriza. Mais celui avec lequel je me suis le plus identifié, c’est sans doute Jean-Claude Carrière ». Celui qui s’exprime, c’est naturellement Luis Buñuel dans son livre de souvenirs, Mon dernier soupir, Buñuel à qui Carrière a été associé pendant près de vingt ans sur neuf scénarios et six films, dont Le Journal d’une femme de chambre, Le Charme discret de la bourgeoisie, Le Fantôme de la Liberté, La Voie lactée.
Soit trois exemples pour illustrer la présence forte de Jean-Claude Carrière dans le seul univers du cinéma, un univers que l’on se gardera de qualifier de français. Son œuvre est bien sûr souvent ancrée dans notre histoire et nos traditions. Mais elle est surtout ouverte et sans frontière. Carrière a ainsi pu travailler avec l’Espagnol Carlos Saura, le Tchèque Milos Forman, l’Anglais Peter Brook, l’Américain Philip Kaufman, le Suisse Jean-Luc Godard, le Polonais Andrzej Wajda, l’Italien Marco Ferreri, le Japonais Nagisa Oshima ou l’Allemand Volker Schlöndorff…
Ses repères d’origine sont pourtant bien français. Jean-Claude Carrière est né à Colombière, dans l’Hérault, près de Béziers, quelques jours avant la sortie du Marius de Pagnol et Korda… Famille de viticulteurs à qui il rend hommage dans un très beau livre de souvenirs, Le Vin bourru. Études chez les lazaristes pendant la guerre. À la Libération, ses parents viennent exploiter un café à Montreuil-sous-Bois. Lui passe des Lycées Voltaire et Charlemagne à l’École Normale Supérieure de Saint-Cloud. Le goût de la littérature le pousse à écrire, des critiques littéraires, un premier roman en 1957, Le Lézard, que publie Robert Laffont, les suivants aux éditions Fleuve Noir sous le pseudonyme (partagé avec d’autres) de Benoît Becker : La Tour de Frankenstein, La Nuit de Frankenstein. C’est en écrivant ce qu’on appellerait aujourd’hui la novélisation des Vacances de Monsieur Hulot, de Jacques Tati qu’il rencontre Pierre Étaix. Il écrit avec lui des courts métrages, des sketches pour la télévision, le scénario enfin de l’excellent Soupirant. La rencontre avec Étaix précède celle avec Buñuel, puis celle avec Louis Malle, puis celle avec Deray, puis d’autres encore. Arrêtons-nous… La liste est incroyablement longue, des films et des téléfilms. Mais aussi une multitude d’autres travaux dans d’innombrables disciplines, à décourager le biographe. Aux hasards de ses travaux, Jean-Claude Carrière est aussi romancier, poète, historien, humoriste, professeur (on ne peut que recommander la lecture de son livre sur le cinéma intitulé Le Film qu’on ne voit pas). Il est traducteur, il est essayiste. Il peut dialoguer avec le Dalaï-lama sur la force du Bouddhisme, ou sur la science avec Jean Audouze et Michel Cassé, deux astrophysiciens. Jean-Claude Carrière a aussi écrit des chansons pour Juliette Gréco ou Jeanne Moreau, des sketches pour Bernard Haller, des chroniques à la radio sur France Inter. Il est dessinateur. Il suffit d’aller sur le site de la SACD pour découvrir certaines de ses productions. Il est acteur aussi. On se souvient de sa prestation à la Gaîté Montparnasse sur son texte Les Mots et la Chose. Il a été Président de la FEMIS bien sûr, mais il est aussi vice-président du théâtre à la SACD. Il ne faut pas oublier le théâtre, les pièces qu’il a traduites, adaptées ou écrites, ses collaborations avec Renaud Barrault ou Peter Brook. On peut estimer qu’il existe autant d’œuvres auxquelles Jean-Claude Carrière a participé que de films sortant dans l’année. Bref, il ne manque à cette liste d’expériences que celle de la mise en scène proprement dite. Jean- Claude Carrière s’en est expliqué : « Le métier de scénariste est bien plus beau que celui de réalisateur, parce que pendant les quatre années que le réalisateur passe à faire un film, le scénariste peut en faire six ».
En fait quel est le vrai métier de Jean-Claude Carrière ? Il le définit lui-même, c’est un conteur. L’ouvrage que lui a consacré René Prédal s’intitule de façon pertinente L’Art de raconter les histoires. « Mon métier, dit Jean-Claude Carrière, c’est de chercher des histoires, de les choisir, de les transmettre et de les raconter à mes semblables, c’est-à-dire ceux qui vivent en même temps que moi aujourd’hui, en utilisant les moyens d’aujourd’hui et chaque fois en choisissant celui qui me semble le plus approprié à l’histoire qui m’a paru intéressante ». Ces propos datent d’il y a plus de vingt ans. Ils ne demandent pas à être amendés. Ses histoires certes proviennent du patrimoine occidental classique, Gustave Flaubert, Fédor Dostoïevski, Marcel Proust, Édmond Rostand, bien sûr pour Jean-Paul Rappeneau et son Cyrano de Bergerac, ou encore Milan Kundera pour Philip Kaufman et L’Insoutenable Légèreté de l’être. Mais aussi de l’Amérique du Sud, des pays méditerranéens, de l’Iran, du Mexique, de l’Inde naturellement. Quand soumis au questionnaire de Proust, il lui était demandé ses auteurs favoris, Jean-Claude Carrière a répondu : « les inventeurs d’histoires anonymes ». À qui, bien sûr, il a consacré un livre, à mettre naturellement à redécouvrir au plus vite, Le Cercle des menteurs. On le trouve en Livre de poche.
Mais on ne saurait conclure sans effectuer un rapide détour par des réflexions sur l’humilité que Jean-Claude Carrière n’a cessé de professer dans l’exercice de son métier, en parlant de la nécessité d’être en parfaite collaboration par exemple avec Luis Buñuel, Pierre Étaix ou Louis Malle, de son goût pour s’infiltrer dans l’univers des autres, de s’en nourrir et de le servir. Ouvrons une porte que nous laisserons ouverte, sur la profonde individualité et sur l’originalité d’une œuvre précisément fondée en grande partie sur les autres. Les films, les pièces, les livres se succèdent d’apparence très diverses, mais il n’en existe pas moins un univers Jean-Claude Carrière, un esprit et un style.
Prenons Tristana tourné par Buñuel en 1969 et écrit par Julio Alejandro. Comparons son style, son propos à ceux du Charme discret de la bourgeoisie réalisé deux ans plus tard par le même Buñuel, Jean-Claude Carrière tenant cette fois-ci le stylo… On ne peut que constater son apport… L’univers de Jean- Claude Carrière, celui qui en tout cas traverse les films, les livres, les spectacles dans lesquels on devine qu’il s’est le plus investi, cet univers est direct. Il se caractérise par une absence de psychologie. Ses histoires, celles du Cercle des menteurs entre autres, reposent sur des faits. Elles évitent les digressions psychologiques pour s’attacher au comportement des personnages. C’est aussi un univers qui défend l’homme et sa liberté au sens large, ce que l’on retrouve chez Buñuel, chez Louis Malle dans Milou en mai, dans l’adaptation qu’il a faite d’Harold et Maud, ou encore dans L’Insoutenable Légèreté de l’être. C’est également un univers basé sur l’insolite, sur le merveilleux, sur l’inattendu. Il faut voir les gags ponctuant Viva Maria, ou encore Gérard Depardieu en Cyrano marchant au milieu des champs de blé dans le film de Jean-Paul Rappeneau, apparemment assez loin de Rostand, pas tant que ça en fait. C’est enfin un univers qui fustige les aliénations et qui respecte ceux qui cherchent à comprendre et à admettre. Jean-Claude Carrière s’applique d’ailleurs ce principe à lui-même quand il cherche à rééquilibrer le point de vue de Jean-Louis Trintignant, le Sépulvéda dans la Controverse de Valladolid, qui aurait été si facile à caricaturer.
C’est peut-être dans ce téléfilm (qui est aussi un livre, qui est aussi une pièce mais aussi en fait un classique), que cet esprit spécifique s’expose peut-être de la façon la plus évidente. Un huis clos retraçant l’affrontement dans l’Espagne du XVIe siècle de deux religieux. Sous l’œil du légat du Pape qui tranchera la discussion à l’arrivée, Jean-Pierre Marielle, d’un côté, et Jean-Louis Trintignant de l’autre débattent pour savoir si les Indiens d’Amérique du Sud sont dotés d’une âme. La chute du récit est plus Carrière que Carrière puisque en gros certes la Papauté finit par reconnaître que les Indiens sont des hommes mais qu’il est nécessaire de neutraliser les effets économiques d’une telle décision, et mettre en place le commerce d’esclaves en provenance d’Afrique. La Controverse de Valladolid s’achève sur l’image inattendue d’un personnage noir qui balaie la salle des débats…
Nous pourrions conclure, en nous recentrant sur le cinéma, voire sur la cinéphilie, par une photo, une photo surprenante. On y voit Jean-Claude Carrière en homme curieux surgissant là où l’on ne l’attendait pas. Elle date de 1972. Elle a été prise à Los Angeles à l’occasion d’un déjeuner que George Cukor avait organisé en l’honneur de Luis Buñuel… Dans son livre, Le Film qu’on ne voit pas, Jean-Claude Carrière a raconté ce déjeuner et l’anecdote qui l’accompagne. À la fin du repas George Stevens lève son verre devant Buñuel en déclarant : « Malgré tout ce qui nous sépare, malgré nos cultures différentes, malgré nos divergences d’opinion, je bois à ce qui nous rassemble ». Buñuel se fait traduire la phrase lève son verre et déclare à son tour : « Je bois, mais j’ai un doute. ». C’était il y a près de cinquante ans. Cette histoire nous permet, comme George Stevens, de saluer sans avoir de doutes le travail de personnes comme Jean-Claude Carrière qui au travers des histoires, rassemblent ce qui pourrait séparer, qu’il s’agisse de cultures, de disciplines, d’époque ou de pays…
Jean Ollé-Laprune
Entretien avec Jean-Claude Carrière
La relation qui se noue entre un scénariste et les cinéastes avec lesquels il travaille dépend de la personnalité de chacun. Dans quelle catégorie Jacques Deray se range-t-il ?
Jean-Claude Carrière : Avec La Piscine, c’était la première fois que je ne travaillais pas étroitement avec un metteur en scène sur le scénario. Bien entendu, quand on travaille avec un cinéaste, on lui parle, on lui montre les scènes déjà écrites. Cela s’est fait avec Jacques. Mais il n’était pas en face de moi, comme cela avait été le cas avec Buñuel ou Étaix. Là, le travail a été plus solitaire. Même si c’est une solitude très relative puisque l’on continue à communiquer de façon régulière. Toujours Jacques m’a dit : « Je ne suis pas un auteur, c’est à toi d’écrire, mais je suis à ta disposition en cas de besoin ». Sur La Piscine plus particulièrement, je me suis efforcé de tenir compte de la situation particulière des personnages, qui se connaissent bien et ne se quittent pas de tout le film. Ils ne peuvent donc pas directement parler des choses. Certaines restent cachées. Tout cela crée un style de dialogues que l’on appelle indirects. Les réactions ont été parfois surprenantes. L’un des producteurs m’a appelé, alors que les dialogues étaient entièrement terminés, pour me dire que le scénario était excellent et qu’il fallait maintenant écrire les dialogues. La seconde réaction était celle de Jacques Deray, qui m’a confié : « En écrivant des dialogues minimalistes et indirects, tu obliges le metteur en scène à avoir de l’imagination ». Ce qui voulait dire qu’un dialogue qui dit tout fait du metteur en scène un esclave. Il est trop lié. Il ne peut pas faire autrement que d’être sur le personnage qui parle quand le dialoguiste veut que la phrase reste dans la mémoire du spectateur. Il est enchaîné par le dialogue. Avec La Piscine, il avait au contraire le sentiment d’être libéré. Sa mise en scène pouvait investir l’espace laissé en friche.
Sur ce plan-là, le jeu très intériorisé des acteurs et la mise en scène sont au diapason de ce dialogue qui s’entend entre les lignes…
J-C. C. : Tout dépend en fait de la scène clé du film, qui est celle de la mort du personnage de Ronet, mort ambiguë, puisque c’est à la fois un crime et un accident. C’est un crime improvisé mais entêté. Jacques a tourné cette scène avec brio. Ce qui importait dans ce film, c’était de placer le spectateur d’entrée de jeu dans un état de malaise et de mystère. Apparemment tout va bien : les deux jeunes premiers s’aiment, ils sont au soleil. Quel est ce petit secret que chaque phrase du film va éclairer peu à peu ? On tente d’éveiller l’intelligence du spectateur, à l’opposé de ces films où l’on assène toute une série d’informations dont il se contrefiche.
Tout est décalé : le film est un polar, mais on connaît parfaitement l’assassin. Pire : on se moque presque de savoir s’il va se faire prendre… On est face à des choses plus floues, plus confuses, peut-être une notion de rédemption…
J.-C. C. : Ce n’est clairement pas une histoire d’Agatha Christie. Ce qui était intéressant, c’est ce meurtre commis par hasard et qui n’a au fond pas vraiment d’importance. Il n’a rien changé dans la vie du meurtrier. C’est un peu métaphysique. Mais il est un autre sous-entendu qui échappe à l’écriture, c’est celui de la relation entre Delon et Romy Schneider. Tout le monde savait qu’ils avaient vécu une belle histoire d’amour dix ans plus tôt. D’une certaine manière, il y avait entre eux ce que le film voulait insinuer comme existant entre le personnage de Romy et celui de Ronet. Ce qui importait c’était de savoir où se situent les personnages. Se demander : « Qui sait quoi de qui ? ». De ce point de vue, le personnage de Romy est sans doute le plus lucide, celui qui sait exactement ce qui se cache derrière l’apparente désinvolture des deux hommes.
Un autre élément passe par le non-dit : la présence obsédante de cette piscine qui est aussi le catalyseur des passions…
J.-C. C. : Les éléments sont primordiaux. L’air chaud, la maison en pierre, la piscine sont autant d’acteurs muets. L’eau est à la fois un symbole de vie et un lieu de mort. Ce qui m’intéressait, c’était la présence de cette pièce d’eau apparemment paradisiaque, alors que peu à peu on se rend compte que ce paradis cache un gouffre.
Même si La Piscine est un polar assez particulier, c’est malgré tout un film qui doit obéir à un certain nombre de règles. Quand on est scénariste, l’existence de contraintes est-elle un moteur ou un frein ?
J.-C. C. : J’aime beaucoup les contraintes. Quand on fait un film apparemment en liberté, comme Le Charme discret de la bourgeoisie, ce n’est pas plus facile, au contraire. C’est pour cela que la vraie liberté est un fantôme, comme le disait Buñuel… À l’intérieur d’un film en liberté les contraintes sont terribles. À l’intérieur d’un film contraignant, de genre, on trouve le plus souvent des espaces de liberté.
Le fait d’écrire pour un comédien aussi typé, connu, charismatique que Delon, n’est-ce pas une autre contrainte ?
J.-C. C. : Non. Pour moi, quand on connaît d’avance le comédien, comme c’était le cas pour Depardieu dans Cyrano, c’est comme s’il participait au scénario. Si on le connaît, ce n’est plus quelqu’un que l’on va chercher après avoir écrit, mais quelqu’un qui est déjà là et avec qui on écrit. Cela aide. Si l’on fait un film avec Lino Ventura et que l’on écrit : « Il la prend dans ses bras et l’embrasse passionnément sur la bouche », on sait d’avance qu’il ne le fera pas… Delon, c’est vrai qu’on a tendance à lui proposer des personnages prédessinés, dans lesquels il n’a qu’à entrer, comme dans les films de Melville. Ce qui est intéressant avec lui, c’est de trouver des failles…
Propos recueillis par Yves Alion Paris, janvier 2002
Jean-Claude Carrière à L’Avant-Scène Cinéma :
Le Journal d’une femme de chambre, de Luis Buñuel, d’après Octave Mirbeau (ASC n°36). Viva Maria !, de Louis Malle (ASC n°56). Belle de jour, de Luis Buñuel, d’après Joseph Kessel (ASC n°492). La Voie lactée, de Luis Buñuel (ASC n°94/95). La Piscine, de Jacques Deray (ASC n°509). Le Charme discret de la bourgeoisie, de Luis Buñuel (ASC n°135). Le Fantôme de la liberté, de Luis Buñuel (ASC n°151). Cet obscur objet du désir, de Luis Buñuel, d’après La Femme et le pantin, de Pierre Louÿs (ASC n°344). Un amour de Swann, de Volker Schlöndorff, d’après Marcel Proust (ASC n°321/322). Le Hussard sur le toit, de Jean-Paul Rappeneau, d’après Jean Giono (ASC n°668/669). Et le court métrage de Jean-Claude Carrière, La Pince à ongles, dans notre n°110.