Publié le 4 juin, 2020 | par @avscci
0Actu dvd mai 2020 – Sept films fantastiques
Sept films fantastiques
Sept films fantastiques, dont six appartiennent à ce qui semble être un âge d’or, dont les années 1970 restent l’épicentre, alors que les aficionados se précipitaient chaque année au Grand Rex et que le mot Festival rimait inexorablement avec Avoriaz.
Le plus ancien de notre sélection, Les Maléfices de la Momie date de 1964. C’est un film de la prestigieuse Hammer, qui s’inscrit naturellement parmi toute une veine de films d’aventures exotiques (que Spielberg va magnifier des années plus tard à travers le personnage d’Indiana Jones) flirtant à l’occasion avec l’horreur. C’est le cas ici, des explorateurs ayant eu l’idée de rapporter d’Égypte une momie, sans savoir que celle-ci avait conservé à travers les âges d’étranges pouvoirs. En voulant tirer profit de leur découverte et en faire un spectacle, ils franchissent un pas… qu’ils paieront cher. C’est un peu la trame de King Kong, à ceci près que nous sommes cette fois-ci aux prises avec l’au-delà. Ce film britannique, qui bénéficie d’une production n’ayant pas mesuré ses efforts en matière de costumes et de décors se voit avec un grand plaisir. Du moins jusqu’au mitan du film, quand la momie cesse d’être une menace virtuelle pour se muer en tueur de bas-étage, sous le commandement d’un esprit malfaisant ivre de vengeance. Dès lors le film vire un peu au Grand-Guignol (qui peut avoir son charme) et avoue son accointance avec la série B. Dommage.
Venant lui aussi de la Perfide Albion, adapté d’un roman de Richard Matheson, La Maison des damnés (1973) est quant à lui signé par un maître du genre, John Hough. La trame, classique, s’enroule autour d’une maison hantée qu’un milliardaire excentrique tient à exorciser. Pour se faire il envoie en mission un savant tout à fait cartésien, une médium experte en parapsychologie et le rescapé d’une précédente mission dans ce lieu hanté. Le film, installé presque intégralement dans le huis clos de ce lieu de toutes les peurs joue dès lors sur deux axes. L’opposition plus ou moins frontale du savant et de la médium, qui n’analysent pas les irruptions de l’étrange et de l’effrayant venant ponctuer leur petit séjour. Et bien sûr les manifestations d’une puissance irréelle qui provoque l’effroi et la mort. Le film est dès lors comme un catalogue quasi-exhaustif d’un certain cinéma horrifique qui conserve son charme tout en semblant au fond assez daté.
C’est également le cas de Lisa et le Diable, qui s’en approche par bien des aspects. Réalisé un an plus tard par l’Italien Mario Bava (le réalisateur de La Baie sanglante est l’un des grands maîtres du genre, seulement égalé chez nos amis transalpins par Dario Argento). Le film se passe lui aussi en grande partie dans un lieu étrange, habité par de riches bourgeois dont les attentes sont difficiles à cerner. Mêlant comme il se doit l’angoisse à une bonne dose d’érotisme, transformant son film en un poème morbide où la réalité et les fantasmes font bon ménage, Bava a sans doute régalé bon nombre d’amateurs de cinéma-bis friands d’ésotérisme. Le temps a sans doute exercé ses ravages, mais demeure une petite musique un peu kitsch qui ne manque pas d’être par moments tout à fait envoûtante.
Mais quittons l’Europe pour rejoindre le Nouveau monde… S’il est une œuvre unique à tous les sens du terme, c’est bien Phase IV (1974). Quand Saul Bass signe son unique long métrage, il est l’un des créateurs les plus respectés du cinéma hollywoodien pour lequel il a signé des génériques mythiques, parfois même plus inspirés que les films qu’ils accompagnaient. Il n’est pas exagéré d’affirmer que ses collaborations avec Alfred Hitchcock, Otto Preminger, John Frankenheimer et Martin Scorsese restent indissociables de leur œuvre. En marge de ces contributions essentielles (dont le court métrage Bass on Titles donne un large aperçu), qui comprennent aussi des monuments comme Spartacus (1960) et West Side Story (1961), il a lui-même tourné une demi-douzaine de courts métrages dont l’intégralité figure dans ce coffret, dont cinq exclusivement en Blu-ray. Les deux premiers s’avèrent essentiels à une approche raisonnée de sa démarche : The Searching Eye (1964) et Why Man Creates, quatuor mêlant documentaire, fiction et animation couronné d’un Oscar en 1969. Y affleure une vision prémonitoire du monde qui se confirmera avec la fibre écologique qui irradie Phase IV. Les héroïnes de cette utopie visionnaire, comme en ont tant générées les années 1970, sont en effet des fourmis en proie à un dérèglement menaçant pour l’ensemble de la population terrestre. À près d’un demi-siècle de distance, le message de ce film imaginé par l’auteur de science-fiction Mayo Simon résonne avec la puissance d’une prophétie de la part d’un visionnaire qui méritait bien que que cette édition fastueuse coïncide avec son centenaire.
Ce n’est pas une insulte de considérer que Le Crocodile de la mort (1976) ne figure pas vraiment parmi les œuvres majeures de Tobe Hooper. Les vertus conjuguées de la fameuse politique des auteurs et de l’adulation irraisonnée dont bénéficie aujourd’hui le cinéma d’horreur des années 1970 et 1980 lui valent aujourd’hui de faire l’objet d’une édition assez bluffante. Celle-ci a toutefois le grand mérite d’aborder les facettes les plus intéressantes de cette plongée chez les rednecks dont le psychopathe de service ne tue que pour nourrir son crocodile de compagnie. Deux ans après Massacre à la tronçonneuse, son réalisateur retrouve l’une de ses victimes, Marilyn Burns, troque son arme fatale contre un saurien géant et confie l’un des rôles principaux au futur Freddy Krueger des Griffes de la nuit, Robert Englund y manifestant de faux airs de Sean Penn. Les bonus donnent largement la parole au réalisateur et à ses interprètes, un module revenant sur le fait divers qui a défrayé le Texas des années 30 et « nourri » ces Dents du marais.
L’Emprise, réalisé par Sidney Furie quelque six ans plus tard, se situe dans un autre registre. Le film raconte en effet les affres d’une jeune femme, mère de trois enfants, à qui un esprit malfaisant rend régulièrement visite pour la malmener et même la violer. Compte tenu du carton de L’Exorciste dix ans plus tôt, on aurait pu croire que cette Emprise laisserait des traces. Le film a largement été oublié. Et c’est donc une très belle surprise de le voir revenir d’entre les morts pour une édition DVD qui nous régale. Si la seconde moitié du film est plus explicite et donc moins intrigante et poisseuse que la première (définitivement inattaquable), le film conserve une belle unité au service d’une idée pour le moins intrigante. Et c’est d’ailleurs l’un des atouts du film que de ne jamais prendre partie, nous laissant nous aussi dans l’ignorance : les attaques dont est victime l’héroïne sont-elles le fruit de fantasmes maladifs, de pièges psychanalytiques mal refermés ou de l’offensive d’une entité non identifiée ? Quoi qu’il en soit les images qui accompagnent son irruption sont pour le moins perturbantes. Les effets spéciaux permettant de voir le corps de la jeune femme malaxée par des mains invisibles sont stupéfiants. L’héroïne en question est incarnée par Barbara Hershey, dont le souvenir chez Scorsese ou Woody Allen participe à la couleur affective de toute une époque. Une époque où l’on ne parlait pas de #Metoo mais de Women’s lib. Une époque où les questions sur la place des femmes dans la société étaient centrales. Et si le film ne donne pas de réponse aux questions qu’il pose, il reste de ce point de vue bien dérangeant…
Reste à franchir plusieurs décennies pour parvenir à notre dernière étape…Impossible à confondre avec l’ascétisme du très mystique Valhalla Rising (2009) de Nicolas Winding Refn, Valhalla illustre le dynamisme d’un cinéma danois qui a désormais les moyens de se resourcer en remontant au temps des Vikings, sans avoir à pâtir pour autant d’une comparaison tendancieuse avec le cinéma anglo-saxon. La vulgarisation de la technologie est passée par là qui permet aujourd’hui au réalisateur Fenar Ahmad (dont le court métrage Megaheavy avait concouru à la Berlinale en 2010) de reconstituer ces temps reculés avec assez de vraisemblance pour conférer à cette production un véritable souffle épique. Cette odyssée inspirée par une bande dessinée de Peter Madsen, que celui-ci avait déjà portée à l’écran en 1986, nous entraîne dans un univers merveilleux bourré de références familières, avec pour objectif d’empêcher rien de moins que… la fin des temps. Vaste programme rondement mené qui donne l’occasion au comédien Roland Møller (remarqué notamment dans Les Oubliés) de tenir le rôle du dieu Thor avec toute l’autorité nécessaire. Bref, un spectacle plaisant à déguster en puisant dans un gobelet de pop-corn… mais malheureusement exempt de bonus.
Les Maléfices de la momie
Lisa et le Diable ESC
La Maison des damnés
L’Emprise BQHL
Le Crocodile de la mort
Phase IV Carlotta
Valhalla Metropolitan